ACRI-IN, le bureau d’études au service de la mer
Planète bleue
Phénomène de submersion marine © Adobe Stock
Avec la mécanique des fluides pour centre de gravité, ACRI a été créée en 1989 avec la volonté de proposer des solutions tirant parti de l’observation satellitaire, de la modélisation numérique et d’études in situ. La société sophipolitaine s’est vite développée pour se transformer en un groupe composé de plusieurs filiales calquées sur la diversité de ses métiers. Parmi elles, ACRI-IN, spécialisée en ingénierie maritime. Rencontre avec le président d’ACRI, Philippe Bardey, pour évoquer les activités d’ACRI-IN dont les études permettent de concilier infrastructures côtières et environnement.
Philippe Bardey, peut-on revenir sur les origines d’ACRI que vous avez fondé il y a plus de trente ans ? A l’époque, quels étaient vos objectifs en créant cette société ?
Cela partait des compétences individuelles des quatre fondateurs. Ils avaient tous une formation liée à la mécanique des fluides qui constitue le centre de gravité de l’entreprise. Une spécialité très variée autour de laquelle nous avons voulu développer notre activité dans plusieurs branches comme le génie civil ou le spatial.
Au départ, pour étudier la mécanique des fluides, vous vous serviez beaucoup de l’observation satellitaire. En quoi cette observation permet-elle de mieux comprendre certains phénomènes maritimes ?
Notre approche système consiste à partir de l’échelle la plus grande pour pouvoir ensuite se concentrer sur des problématiques et des solutions à une échelle plus locale. La meilleure échelle pour observer est souvent celle de la planète. En effet, l’océan et l’atmosphère pilotent une grande partie des processus et échanges qui ont lieu sur terre. Outre la météorologie et l’océanographie, cela concerne aussi les phénomènes issus de la propagation de la houle. Des phénomènes qui influent sur des problèmes d’érosion côtière ou de submersion marine. Cette imbrication des phénomènes nous a orientés au départ vers une mission d’observation de la Terre capable de mieux mesurer des paramètres de l’atmosphère et des océans. Le spatial s’avère particulièrement utile lorsqu’il se corrèle avec des études in situ et des modèles numériques.
La transformation d’ACRI en un groupe aux multiples facettes
Au fil des ans, ACRI s’est développée et est devenue un groupe à plusieurs facettes. Comment s’est opérée cette évolution ?
Si notre cœur de marché est le même avec la mécanique des fluides, nous nous sommes assez vite rendu compte que les usages de cette technologie se faisaient dans des marchés très divers et pas forcément compatibles entre eux. Très lié à l’industrie du génie civil, le domaine de l’aménagement du littoral est ainsi assez éloigné de l’activité environnementale de suivi des pollutions dans l’atmosphère ou l’océan. Nous avons donc orienté le développement de la société en segmentant les activités liées à l’environnement et l’observation de la Terre de celles liées à l’aménagement du territoire ou des infrastructures. Cette dernière constitue la partie plus ingénierie, d’où le nom ACRI-IN, qui œuvre plutôt autour du génie civil.
Justement, ACRI-IN est spécialisée en ingénierie maritime. Quel est précisément son champ d’activités ?
Il s’agit de la connaissance de ces écoulements qui permettent d’avoir des informations sur des infrastructures capables de cohabiter avec ces phénomènes environnementaux. Ainsi par exemple, dans une zone littorale, le dimensionnement de ces infrastructures nécessite une très bonne connaissance du risque de submersion marine, des hauteurs de vague et des efforts en termes d’énergie à prendre en compte. Cette information nous provient à la fois de la connaissance du lieu, de la modélisation numérique et de l’observation spatiale, mais la finalité reste de bien dimensionner des ouvrages afin de se protéger.
Une activité de plus en plus tournée vers l’international
Aujourd’hui, ACRI-IN dispose d’équipes pluridisciplinaires. Combien a-t-elle de salariés ?
Dans l’ensemble du groupe, nous avons plus de 130 salariés, répartis pour les trois quarts en France et le reste dans des pays de l’Union européenne ainsi qu’en Inde et au Canada. Concernant ACRI-IN, la structure et le siège sont implantés à Sophia Antipolis, mais depuis l’origine son intervention s’effectue à l’échelle mondiale. En effet, les problèmes que nous traitons autour de l’aménagement et de la protection du littoral s’observent partout sur la planète. Nous avons aussi bénéficié d’une implantation sur la Côte d’Azur où historiquement se sont développés les premiers ports de plaisance. Cela nous a permis d’acquérir une expertise assez forte en matière de conception de ces ouvrages. Une expertise que nous exportons aujourd’hui dans toutes les zones où la plaisance se développe.
Quelle est l’importance de votre chiffre d’affaires et quelles sont vos perspectives de développement en France et à l’international ?
Aujourd’hui, ACRI-IN reste relativement modeste avec un chiffre d’affaires de l’ordre de deux millions d’euros, réalisé pour 60 % en France et 40 % à l’international. Nos interventions à l’étranger se développent très fortement, en particulier dans les Caraïbes et au bord de la mer Rouge. En termes de croissance, nous sommes sur des bases de 10 à 20 % par an. Une progression modérée mais qui nous permet de continuer à développer notre expertise assez unique, de disposer d’une chaîne complète comprenant l’observation spatiale, les modèles numériques, les études in situ et nos propres installations expérimentales.
Un canal expérimental au cœur de Sophia Antipolis
Quelles sont ces installations expérimentales ?
Nous avons la chance d’avoir à Sophia Antipolis un canal à houle et courant qui nous permet de disposer de capacités de modélisation sur des modèles réduits physiques. Cela est très utile lorsqu’il s’agit de dimensionner des ouvrages. Ce canal expérimental se situe au cœur de l’entreprise, dans un bâtiment en bois. Mesurant une trentaine de mètres de long, 1,80 mètre de haut et à peu près la même largeur, il nous permet de générer des houles d’environ 60 cm crête à creux. On commence par modéliser les fonds et construire des ouvrages, des modèles réduits en général à l’échelle 1/50ème. On soumet ensuite ces maquettes à l’action de la houle générée par un système de pistons relais hydrauliques.
Dans votre activité de bureau d’études en ingénierie maritime, quelle est votre approche sur les différents projets qui vous sont confiés ?
Nous travaillons à partir des besoins des utilisateurs, exprimés après des discussions approfondies sur le niveau de sécurité et de protection souhaité de ces ouvrages. Il convient d’appréhender tous les éléments qui vont contribuer à la vie de l’ouvrage ou à sa stabilité. Cela doit être associé à des problèmes juridiques et environnementaux afin de garantir l’adéquation entre ces infrastructures et la protection de l’environnement.
Votre activité nécessite beaucoup de R&D. Sur quels points portez-vous vos efforts ?
Aujourd’hui, notre problématique la plus importante réside dans la meilleure compréhension des couplages entre ce qui se passe des côtés maritime et terrestre en cas d’événements météorologiques extrêmes. Une situation que l’on rencontre lorsque des crues provenant de l’amont surviennent en même temps que des dépressions en mer. Ces dépressions génèrent des surcotes, des vents et des champs de pression importante, qui provoquent des vagues. La propagation de ces vagues sur les domaines maritimes ayant subi des surélévations en même temps que la partie terrestre impacte ce couplage. Il nous reste encore des travaux à mener pour mieux appréhender ces phénomènes et surtout pour améliorer nos capacités d’anticipation. Cela pour mieux se protéger ou au moins alerter quelques heures ou quelques jours avant que ces phénomènes extrêmes ne se produisent.
Des réalisations emblématiques en Principauté de Monaco
Vous développez aussi plusieurs concepts d’aménagements littoraux innovants. Quels sont les projets les plus avancés ?
Celui sur lequel nous travaillons le plus en ce moment concerne la protection des plages avec des ouvrages permettant de réduire les apports de sable après les tempêtes. C’est un problème assez compliqué à résoudre car il faut réduire l’énergie de la houle avec un ouvrage immergé qui doit rester efficace lorsque le niveau d’eau monte avec une surcote liée aux tempêtes. Il s’agit d’un grand champ d’investigation sur lequel nous avons déposé des brevets pour des ouvrages parallèles à la côte. Des ouvrages tentant de reproduire le même effet qu’un massif corallien immergé qui fait déferler la houle sans pour autant augmenter de manière importante le niveau d’eau entre la plage et ce massif.
Pour terminer, quelles sont les réalisations les plus emblématiques auxquelles vous avez été associées dans la région ?
Les plus gros aménagements sur lesquels nous avons travaillé se situent en Principauté de Monaco. La Principauté est assez exemplaire en termes d’infrastructures portuaires et maritimes, avec la volonté d’essayer, sur un espace assez contraint, de trouver des solutions qui ménagent les possibilités de développement tout en veillant à la protection de l’environnement. C’est d’ailleurs sûrement l’endroit où il existe le plus d’ouvrages de protection de différentes sortes au km2.
A Monaco, vous participez aussi à un projet de pompe à chaleur utilisant une énergie d’origine marine. Est-ce un projet prometteur ?
Il s’agit d’un autre exemple où Monaco est assez en pointe. Cela consiste à utiliser l’énergie thermique des mers via des échangeurs thermiques. Ces derniers prennent de l’eau en mer à une certaine température et créent des circuits d’eau tempérés pour refroidir ou réchauffer certains écoquartiers. Ils rejettent ensuite dans le milieu naturel de l’eau sur laquelle on a pris des calories ou des frigories. Mais reste à déterminer l’impact de la dispersion de ces panaches thermiques sur le milieu. Nos études montrent qu’il est possible de dimensionner et localiser ces ouvrages de dispersion afin que leur impact soit très faible. C’est un système très prometteur car il fournit une source d’énergie presque inépuisable qui fonctionne 24 heures sur 24 car la température de la mer ne varie pas, contrairement au vent ou au soleil qui peuvent aussi fournir de l’énergie. Cela permet de disposer d’infrastructures avec des rendements et des performances stables et connus.
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