Isolants thermiques
et chemins de câbles...

Implantée à Cannes La Bocca, à quelques encablures du site de Thales Alenia Space, Soditech est une PME d'une soixantaine de salariés fondée en 1990 par Maurice Caillé qui a aujourd'hui cédé les rennes de l'entreprise à sa fille, Madenn Caillé. La société est spécialisée dans la conception et l’intégration de sous-ensembles mécaniques, thermiques et électriques.

En matière de mécanique spatiale, l'activité couvre principalement l’assemblage d’éléments sur un panneau de vol d’un satellite. Soditech s’occupe notamment de collages sur panneaux d’inserts, de caloducs et de sondes. L'entreprise assemble également des baies mécaniques. Dans le domaine thermique, la société conçoit et fabrique des MLI (Multi-layer Insulation) qui sont des isolants utilisés pour réduire les pertes par radiations thermiques. Un troisième volet concerne l’électrique avec la conception et la fabrication de harnais spatiaux, ces chemins de câbles qui permettent d’alimenter les différents équipements d’un satellite.

MLI et harnais spatiaux

Les MLI et les harnais spatiaux constituent les deux produits phares de l'entreprise. Isolants thermiques, les MLI sont des multi couches sur lesquelles on alterne un matériau qui va être un écran radiatif (c'est-à-dire que l'écran évite au rayonnement de passer à travers l’isolation) à des couches permettant de limiter la conduction et la convection entre les écrans radiatifs. Il s’agit d’une isolation thermique très peu utilisée en dehors du domaine spatial. En effet, si elle fonctionne très bien pour le rayonnement, elle marche beaucoup moins bien pour la convection¹. Mais comme ce phénomène est inexistant dans l’espace puisqu’on est dans le vide, ce type d’isolation s’avère particulièrement adaptée à cet environnement. Ce sont les MLI dont la feuille externe est généralement faite en Kapton, un film de polyimide doré (le polyimide est un polymère connu pour sa thermostabilité). Ce sont ces MLI qui donnent aux satellites l’apparence d’être couverts de feuilles d’or.

Les harnais spatiaux permettent aux divers équipements des satellites d’être alimentés en courant. Ils sont composés de dizaines de milliers de câbles et leur fabrication s’avère très complexe. Charlène Di Campo, directrice des opérations de Soditech, nous explique les quatre grandes étapes de leur fabrication : « Nous commençons par réaliser ce que l’on appelle le connecteur de départ, et par faire un bout de chacun des câbles. Une fois que ces bouts sont terminés, nous cheminons l’intégralité des câbles sur des maquettes à l’échelle 1. Ce cheminement achevé, nous terminons par la deuxième extrémité des câbles. Vient ensuite la dernière étape durant laquelle l’ensemble va être contrôlé, testé, puis envoyé chez le client pour intégration. »

Petit mais costaud...

Si Soditech a pu séduire les grands industriels du secteur, notamment avec ses MLI et ses harnais spatiaux, c’est en grande partie parce qu’elle leur propose une offre globale susceptible de répondre à leurs besoins dans leur entièreté. Soditech est en effet en mesure de prendre en charge l’intégralité d’un projet, de sa phase de conception et de design jusqu’à l’intégration de l’équipement sur le satellite. Pour Charlène Di Campo : « L’avantage de maîtriser l’ensemble du processus, c’est de connaître parfaitement toutes les contraintes de fabrication. En effet, lorsqu’une société ne fait que de la conception, il arrive fréquemment que certains éléments ne soient pas industrialisables. Un autre atout réside dans la possibilité de pouvoir se déplacer chez le client pour intégrer nous-mêmes nos propres équipements. » Sa proximité immédiate avec le site de Thales Alenia Space de Cannes La Bocca constitue d’ailleurs un avantage indéniable. 

Paradoxalement, Soditech tire aussi sa force de sa taille relativement modeste. Le fait d’être une PME familiale la rend particulièrement agile et lui permet d’apporter de la flexibilité à ses clients. Elle est ainsi capable de répondre très rapidement à leurs besoins et de s’y adapter. Une flexibilité qui peut s’avérer bien plus compliquée à obtenir pour un grand groupe. A l’inverse, une PME spécialisée dans un domaine d’activité a souvent plus de mal à répondre à des besoins globaux. Soditech est partiellement parvenu à contourner cette difficulté par sa bonne intégration dans le tissu local et national. Cela lui donne la possibilité de trouver des partenaires à son échelle, complémentaires, spécialisés dans d’autres domaines. De quoi pouvoir proposer une offre plus globale à ses clients qui sont généralement de grands donneurs d’ordre.  

Pour ses divers pans d'activités la société s'est équipée d’équipements performants qui lui permettent de répondre aux multiples contraintes de fabrication d’éléments devant séjourner dans l’espace. Parmi eux, notons une salle blanche, certifiée ISO 8, de près de 1 000 m², dans laquelle un très petit nombre de particules peuvent se déposer sur les équipements haut de gamme qu’elle fabrique pour le spatial, la défense ou la recherche.

Les locaux de l'entreprise renferment également une autre salle blanche certifiée ISO 5, de 25 m², à l’environnement encore plus contraint, où l’on enregistre la présence d’encore moins de particules et de molécules non désirées. Une salle qui sert tout particulièrement pour l’intégration et le nettoyage d’équipements. Outre ses salles blanches, Soditech possède de très nombreux outils pour fabriquer et tester de manière automatisée ses différents harnais ou MLI.

L’ensemble des équipements dont elle dispose permet à l'entreprise de fabriquer des produits fiables, susceptibles de surmonter les nombreuses épreuves auxquelles ils sont confrontés lors du lancement et de leur séjour dans l’espace. Lors du lancement du satellite en effet, tous les équipements subissent de très fortes contraintes de température et de tenue mécanique en raison des fortes vibrations auxquelles ils doivent résister. Une fois sur orbite, ils ont cette fois à supporter toutes les contraintes liées à l’environnement spatial, en matière de rayonnement, de propreté et de dégazage.

Se diversifier pour pallier à la cyclicité de l'industrie spatiale

Depuis sa création il y a 25 ans, la société s’est bien développée. En 2023, Soditech a réalisé un chiffre d’affaires de près de 4,6 millions d’euros, dont les deux tiers dans le secteur de l’espace. Outre Thales Alenia Space, elle a pour clients tous les grands donneurs d’ordre de ce secteur comme Airbus Defense & Space, le CNES et l’ESA. De plus, dans le domaine du spatial, Soditech ne travaille pas uniquement pour des équipementiers de satellites, mais aussi pour des fabricants de lanceurs. Aujourd’hui, même si elle doit faire face à une forte concurrence internationale, son ambition est de parvenir dans les années à venir à suivre la cadence de ce secteur en pleine croissance. À date, l'entreprise a dépassé le stade de la fabrication d’équipement prototype et d'un délai de livraison tous les deux ans. Aujourd'hui, elle produit en série pour plusieurs entreprises dans le monde.

Les commandes dans le domaine de l’espace restent toutefois cycliques et quelque peu aléatoires. Pour pallier à ce contexte, Soditech a cherché à se diversifier vers d’autres activités, notamment en recherche et défense. Une diversification qu’elle entend intensifier dans les prochaines années, mais qui porte déjà ses fruits. Elle a ainsi pour clients un grand nombre de laboratoires français et plusieurs entreprises de la défense.

Dans le domaine du spatial, Soditech cherche aussi à diversifier son carnet d’adresses clients et ne se limite pas à la France. D’ailleurs, lors de notre venue dans ses locaux, sa PDG actuelle, Madenn Caillé, était aux États-Unis pour un séjour professionnel...

1. Rappelons que la convection est l'ensemble des mouvements internes verticaux ou horizontaux qui animent un fluide et qui impliquent alors le transport des propriétés des particules de ce fluide au cours de son déplacement. Elle peut être due à des différences de température, une agitation mécanique, un pompage... Dans l'espace, il n'y a pas d'air. Les échanges de chaleur se font donc uniquement par échange de rayonnement, et pas par rayonnement et convection et conduction comme sur Terre.