L'industrie des arômes
en pleine transformation

Par Cédric Stanghellini, 25 novembre 2024 à 02:26

Responsabilité Sociale Exigée

Le pays de Grasse est un des centres névralgiques pour l’industrie des arômes alimentaires en France. Ici, l’histoire a façonné un environnement propice à cette industrie spécifique, berceau d'entreprises de renom comme MANE, Robertet, Jean Niel, Firmenich, Payan Bertrand ou encore IFF France. Ces fleurons sont tous membres du SNIAA, le Syndicat national des Ingrédients aromatiques alimentaires. Cécile Pinel, sa déléguée générale, nous révèle les enjeux de cette filière en constante évolution, confrontée à une législation de plus en plus exigeante.

La région de Grasse est un pilier de l’industrie des arômes en France. Pouvez-vous nous expliquer le rôle du SNIAA dans cette dynamique régionale ?


Cécile Pinel : Notre syndicat représente environ soixante entreprises en France, avec une forte concentration dans les Alpes-Maritimes. Le SNIAA les accompagne pour assurer leur conformité avec les normes légales, les soutenir dans leurs démarches d’innovation, et les représenter dans les discussions sur les réglementations en France et en Europe. Autour de Sophia Antipolis, les entreprises du SNIAA profitent d’une concentration unique des savoir-faire, des champs à la formulation des arômes. C’est l’implantation historique. Et vous avez aussi des PME et des grands groupes qui fabriquent les arômes à partir de matières premières agricoles ou de molécules de synthèse.


Quelle est l’importance de ce secteur pour l’agroalimentaire ?


L’industrie des arômes ne représente « que » 1 % de l’industrie agroalimentaire mais les arômes sont partout : ils donnent du goût à des gâteaux, des plats préparés, des bonbons, des chewing-gums, des glaces, etc. La liste est longue. Et avec une spécificité : notre production s’adresse directement aux fabricants, et non aux particuliers.


Quels sont les grands défis en termes de réglementation pour l’industrie des arômes, notamment dans un contexte où les consommateurs demandent plus de naturalité ?


La réglementation européenne impose des normes extrêmement strictes, particulièrement sur les ingrédients aromatiques destinés à l’alimentation. Et les consommateurs, notamment en France, sont de plus en plus sensibles aux arômes dits « naturels ». Une exigence qui pose des défis techniques et financiers. Certains arômes complexes, comme la noisette ou la violette, sont difficiles ou coûteux à produire en version naturelle. C’est un véritable savoir-faire pour obtenir des goûts similaires et parfois grâce à d’autres plantes, qui n’ont rien à voir avec celle dont on cherche à retrouver le parfum. Je peux prendre l’exemple de l’arôme abricot qui peut être obtenu à partir de l’osmanthus, un petit arbre à fleur.


Quelles sont les grandes priorités en matière de recherche et développement pour l’industrie des arômes ?


Depuis plusieurs années déjà, la recherche et le développement visent à réduire l’empreinte environnementale en consommant moins d’eau et d’énergie. Il y a aussi ce que nous appelons dans notre jargon la « chimie verte », qui favorise une meilleure utilisation des ressources, des procédés de biotechnologie et d'extraction plus durables. Les entreprises sont attentives également aux matières premières importées, pour éviter la déforestation ou les pratiques non éthiques, dans un contexte de tensions climatiques et géopolitiques accrues.


Le secteur est-il confiant pour l’avenir, notamment en termes d’emploi ?


Les entreprises du secteur continuent d’investir en moyenne 6 % à 8 % de leur chiffre d’affaires pour la recherche et développement, ce qui est très élevé comparé aux autres secteurs industriels. Concernant l’emploi, la croissance annuelle est de 3 % et nous constatons un besoin constant de nouvelles compétences. Le département des Alpes-Maritimes représente la moitié des emplois de l'industrie des arômes en France. Localement, nous avons une forte demande pour des métiers spécifiques, comme les préparateurs d’arômes et les réglementaires spécialisés. Mais nous sommes confrontés à des défis de recrutement, notamment en raison de l’image perçue de notre industrie comme étant « chimique », alors que les pratiques ont énormément évolué vers des procédés plus verts et naturels. Nos entreprises ont donc tout intérêt à communiquer sur leurs efforts de durabilité et les opportunités qu’elles offrent.

Parution magazine N°47 (décembre, janvier, février)

Qu’en pensez-vous ?

Donnez-nous votre avis

Pour vérifier que vous êtes une intelligence humaine, merci de répondre à ce questionnement lunaire.