Sur la scène de l'Opéra de Nice
Arts en scène

Pontus Lidberg © Luca Lanelli
Sous le plus grand chapiteau du monde, proclame un titre de film hollywoodien des années 50. Piste aux étoiles au bord de la baie des Anges, le théâtre lyrique de la capitale azuréenne a lui aussi, à sa façon, tout d’une superproduction flamboyante. Accrochez-vous à votre fauteuil !
Cent quarante ans d’âge sous ses ors cette année, l’Opéra de Nice se porte comme un charme. Désuète, l’expression ne laisse pas bien entendre à quel point l’endroit résonne avec son temps. Car, halte aux idées reçues : aller à l’opéra n’a rien d’un pensum chic pour bourgeois endimanchés. Qu’on aille y voir un spectacle chanté, un ballet ou même un concert, bien souvent (pour ne pas dire la plupart du temps fort heureusement), les choses ne se passent pas du tout comme ça ! Elles sont taillées dans une autre étoffe, celle d’un acte créatif total qui ne recule ni devant l’audace ni devant l’émotion, qui joue de toute une nuance de griserie entre la tradition et la modernité.
Baignant dans cette énergie qui renouvelle les lois du genre, l’Opéra de Nice revendique à part entière un tel positionnement artistique dans toute sa portée, iconoclaste parfois même. Pilotée par Bertrand Rossi, son entreprenant directeur qui a soif de sensations authentiques, la maison taille ainsi sa route avec un joli sens du panache et une vraie superbe ! « On est un opéra du 21e siècle, se plaît à dire celui-ci, avec des artistes d’aujourd’hui pour un public actuel, et on fait de la création millésimée 2025. Notre instrument de travail recouvre un répertoire de quatre siècles mais précisément, il offre toute une gamme d’échos qui peuvent résonner avec notre monde et notre époque. Tout évolue, l’art de l’opéra au même titre… »
Sons, formes et couleurs
Dont acte avec l’actualité printanière de la programmation. Celle-ci avait déjà bien démarré, sous les auspices de spectacles aventureux, se cherchant en dehors des sentiers battus. Edgar, ouvrage de jeunesse de Puccini peu représenté. Transfiguré, concert collage d’œuvres de Schönberg et de vidéos en douze tableaux théâtralisés, signé par le cinéaste Bertrand Bonello. Une Flûte enchantée revisitée par un autre réalisateur, Cédric Klapisch. Cendrillon, ébouriffante féérie dansée pour les Fêtes sur une chorégraphie de Thierry Malandain…
Après ce début de saison foisonnant, qui a donné sons, formes et couleurs en version très originale à des coproductions aussi différentes qu’inspirées, l’Opéra de Nice continue sur sa lancée et va s’afficher en grand de plus belle, avec d’autres créations qui s’annoncent tout aussi palpitantes. Au nombre de ces réjouissances, une pépite oubliée du compositeur tchèque Bohuslav Martinů, Juliette ou la clé des songes. Deux trésors inoxydables qui sont aussi d’immenses tubes du répertoire lyrique, Le Barbier de Séville de Rossini et Carmen de Bizet.
Côté ballet, un spectacle en forme de cercles concentriques autour de la danse néoclassique et de quatre grands chorégraphes qui ont ricoché sur cette syntaxe du corps et du mouvement, William Forsythe, Hans van Manen, Claude Brumachon et Alexander Ekman. Un concert de prestige dirigé par Lionel Bringuier, le chef attitré de l’Orchestre philharmonique de Nice, pour saluer la tenue d’un grand événement qui aura lieu à Nice en juin, la conférence de l’ONU sur l’Océan en présence de chefs d’État et de sommités scientifiques... À la chronique de ses variations sur le même thème, à savoir le plaisir du public, l’Opéra a plus d’un émoi et plus d’un paradis !
Forces vives permanentes
Fort de quoi, malgré le contexte de crise nationale du spectacle vivant, l’établissement niçois se maintient au beau fixe et n’a pas vu ses ambitions se réduire comme peau de chagrin. Fonctionnant en régie municipale, sa dotation lui permet d’irriguer une dynamique de fond où il peut pleinement jouer son rôle sur tous les tableaux de ses prérogatives : le lyrique, la musique et la danse.
« Contrairement - hélas - à tant d’autres théâtres en France, souligne Bertrand Rossi, l’Opéra de Nice a la chance, grâce au soutien de la municipalité, de pouvoir présenter une vraie saison lyrique avec huit titres, et cette jauge sera encore quasi inchangée la saison prochaine, avec sept ouvrages. Au-delà de ces chiffres, l’atout maître de la maison, c’est son facteur humain, ses forces vives permanentes, tous les corps de métier qui s’illustrent sous sa bannière. Du ballet au chœur, des équipes costumes et décors de la Diacosmie où travaillent les ateliers de création de l’Opéra aux machinistes et aux régisseurs de plateau, des musiciens à l’administration, cet effectif dans toute sa belle pluralité constitue une vraie valeur ajoutée, représente la clé de voûte de notre potentiel créatif… »
Identité créative renforcée
À cette équation fructueuse vient s’ajouter un coefficient multiplicateur débridé : les trois mousquetaires de l’Opéra de Nice qui sont donc Bertrand Rossi, son directeur, Lionel Bringuier, son chef d’orchestre officiel, et son tout nouveau directeur de la danse, le chorégraphe suédois de stature internationale Pontus Lidberg. Ce triumvirat semble nourrir un dessein aussi original qu’ambitieux pour « son » théâtre.
Visibilité accrue du chœur et du philharmonique niçois sur la scène musicale hexagonale, appelés prochainement à se produire à la Philharmonie de Paris après un passage remarqué par les Folles Journées de Nantes. Collaborations de haut vol, avec des artistes engagés dans une vision novatrice ou transgressive des ouvrages qu’ils mettent en scène, à l’image d’Olivier Py, de Lucinda Childs, de Bertrand Bonello ou de Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil (Le Lab).
Dans les différents signes de sa vitalité artistique, à travers les coproductions qu’il noue avec des institutions de prestige, l’Opéra de Nice ne cesse d’affirmer une identité créative entreprenante. Sans doute Pontus Lidberg, dont on découvrira le travail la saison prochaine, apportera-t-il lui aussi sa pierre à l’édifice. « À partir du socle néoclassique du ballet de l’Opéra, il a vraiment envie de donner un nouvel élan à la compagnie, d’inviter les meilleurs chorégraphes à travailler avec elle, de présenter de l’inédit », promet Bertrand Rossi. La barre est placée haut. Tant mieux ! Tout l’Opéra de Nice vibre à ce diapason…
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