Un chercheur de l’Inria
mis à l’honneur
Quoi d'9 ?
Xavier Pennec, directeur de recherche au Centre Inria d'Université Côte d'Azur dans l'équipe-projet Epione, vient de se voir décerner par l’Académie des sciences le Grand prix Ampère de l’Électricité de France 2024. Une distinction qui récompense ses travaux en sciences mathématiques, autour des statistiques géométriques. Des recherches notamment cruciales dans le domaine médical.
In fine, l’objectif est de modéliser des données en sciences de la vie pour analyser la variabilité biologique de la forme des organes au cours du temps. C’est ce qu’on appelle l’anatomie computationnelle, une discipline émergente qui se situe à la croisée de la géométrie, des statistiques, de l'analyse d'images et de la médecine.
Les statistiques géométriques… Kezaco ?
Xavier Pennec l’explique ainsi : « Dans les années 1990, pour étudier deux cerveaux, on analysait les points communs et les différences des images après les avoir superposées, au mieux par rotation et translation, une méthode pour l'imagerie médicale qu’on appelle le recalage. Dans les années 2000, les méthodes ont évolué pour passer à des recalages par déformation, ce qui permet de superposer les images presque parfaitement. On a alors transféré l’analyse statistique des similarités et des différences de l’image vers les transformations elles-mêmes. Et pour observer ces déformations, il a fallu identifier des structures géométriques sous-jacentes à respecter pour rajouter suffisamment de contraintes et arriver à mieux les modéliser en garantissant les propriétés de l'objet. Cette approche est tout l’objet des statistiques géométriques. Dans la communauté scientifique MICCAI (Medical Image Computing and Computer Assisted Intervention), les professionnels de la médecine ont bien compris l'intérêt de ces méthodes et se sont impliqués en leur faveur car celles-ci permettent de mieux prédire et contrôler la variabilité biologique. »
Les applications concrètes
Xavier Pennec a notamment utilisé cette méthode pour étudier les cerveaux de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Comme il le raconte : « Nous disposions d’images collectées à un an d’intervalle. Pour chaque sujet, nous avons estimé la déformation sur cette durée. Il nous a aussi fallu comparer les sujets entre eux. Grâce à la géométrie, nous avons pu établir une trajectoire de déformation moyenne à partir d’une anatomie de référence. Puis, nous avons extrapolé afin de modéliser l’évolution du cerveau sept ans avant et sept ans après. Nous pouvons ainsi comparer un cerveau jeune à un cerveau très âgé atteint d'Alzheimer. Notre modélisation continue à ressembler à un cerveau plausible, sans aberration évidente. Nous ne sommes pas exactement conformes à la réalité, mais nous nous en approchons. » Des techniques similaires ont été utilisées pour des études sur la scoliose.
La difficulté reste la variabilité extrême des éléments du vivant. En sciences de la vie, les modélisations issues des statistiques géométriques peuvent apporter énormément d'informations aux endroits où l’on manque de données. Dans le domaine médical en effet, les scientifiques étudient parfois une pathologie avec très peu de données à leur disposition (la base parfois est de 10 cas cliniques, ce qui est très faible). Les statistiques géométriques peuvent apporter de l’information là où elle manque pour à la fois décrire correctement les données et interpoler d’une manière plausible entre celles-ci pour mieux prédire.
Xavier Pennec et ses équipes n’ont pas fini de faire parler.
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