Observater pour comprendre l’Univers
le Laboratoire Joseph-Louis Lagrange
Planète bleue

Avec son réseau d'antennes, le radiotélescope SKA permettra d'observer les phases précoces de l'histoire de l'Univers © Laboratoire Lagrange
L’Observatoire de la Côte d’Azur pilote des activités de recherche en sciences de la Terre et de l’Univers. Regroupant près de 200 personnes, le Laboratoire Joseph-Louis Lagrange constitue l’une de ses trois unités mixtes de recherche. Rencontre avec sa directrice, Nicole Nesvadba, pour évoquer les multiples activités du Laboratoire Lagrange, ainsi que ses projets dans les années à venir.
Quelles sont les principales thématiques de recherche du Laboratoire Joseph-Louis Lagrange ?
Nicole Nesvadba : Le laboratoire s’intéresse à la structuration de la matière dans l’Univers. Nous avons des chercheurs qui travaillent sur des échantillons de retour de missions spatiales. Sur du matériel qui s’est formé au début du système solaire. Des projets se concentrent aussi sur l'étude de certaines étoiles, de systèmes planétaires, d'exoplanètes et jusqu’aux galaxies avec l'étude de structures comme la voie lactée.
À ces projets d’astrophysique s’ajoutent d’autres activités connexes. Nous nous intéressons ainsi à l’instrumentation optique au sol, avec notamment une équipe d’interférométrie de renommée mondiale. Une autre équipe s’occupe du traitement de signal et travaille beaucoup sur la reconstitution d’images avec le concours de l’intelligence artificielle. Enfin, une équipe de physique fondamentale s’intéresse à la mécanique des fluides et en particulier aux phénomènes de turbulence.
Des compétences en calcul à haute performance sont au cœur des capacités des équipes du Laboratoire Lagrange. En quoi ces compétences vous servent-elles dans les observations acquises sur les grands télescopes au sol et dans l’espace ?
Pour ces observations, nous travaillons sur plusieurs aspects de traitement de données, avec des méthodes très avancées, qui ne sont pas toujours du calcul à haute performance (HPC). Dans le domaine du HPC, nous intervenons sur le nouveau radiotélescope SKA (Square Kilometre Array). Ce réseau d’antennes sera très précieux pour observer les phases très précoces de l’histoire de l’Univers, notamment l’époque de réionisation, la phase durant laquelle sont apparues les premières étoiles. Nous travaillons sur l’interface entre le matériel et le logiciel, ainsi que sur l’établissement des liens entre l’observatoire lui-même et les futurs utilisateurs des services de proximité qui vont être fournis.
Nous sommes par ailleurs très performants dans la préparation des logiciels et des catalogues à partir de données brutes recueillies lors des missions spatiales par des agences comme le CNES ou l’Agence spatiale européenne (ESA). Des données qui nécessitent tout un travail d’astrophysique avant qu’elles puissent être utilisées par la communauté scientifique internationale.
Nous sommes également impliqués dans les logiciels de contrôle/commande pour les grands télescopes au sol comme le VLT (Very Large Telescope) de l’ESO ou l’ELT (Extremely Large Telescope). Ce dernier est un télescope de nouvelle génération en train d’être construit. Avec ses 39 mètres de diamètre, il sera le plus grand télescope optique dans le monde.
La participation du laboratoire à des missions internationales
Le laboratoire joue un rôle majeur dans le traitement et l’analyse des données des missions Euclid ou Osiris-Rex. Quelle est votre participation à ces missions qui cherchent à percer les mystères de l’Univers ?
Ces deux missions cherchent à percer les mystères de l’Univers sur toutes les échelles parce qu’elles traitent à la fois le très grand et le très petit. Le plus grand avec Euclid, une mission en cosmologie ayant pour but principal de mesurer la balance entre l’énergie noire qui mène à l’accélération de l’expansion de l’Univers et la matière noire qui s’y oppose.
Une partie de ces observations concerne les amas de galaxies qui contiennent de grès grands nombres de galaxies, et aussi des grandes quantités de gaz. Aujourd’hui, on ne sait pas comment ces énormes masses de gaz extrêmement chaudes (plus d’un million de degrés) se sont formées. Euclid nous permettra de mieux comprendre ce phénomène en nous donnant pour la première fois la possibilité d’observer un grand nombre de ces amas entre aujourd’hui et les phases précoces de la formation de galaxies dans l’Univers, il y a dix ou onze milliards d’années.
Osiris-Rex, c’est l’autre extrême. Il s’agit d’une mission américaine ayant pour objectif d’étudier un astéroïde et de ramener sur terre un échantillon de son sol. Nous sommes le seul laboratoire en Europe à avoir obtenu du matériel en provenance de cette mission. Deux de nos chercheurs sont maintenant impliqués dans l’analyse de la poussière qui a été collectée. Là, on parle de mini structures que l’on peut voir avec des microscopes. Cette poussière primordiale va nous donner des informations à très petite échelle sur la formation du système solaire.
Le Laboratoire Lagrange est à la tête d’un consortium européen développant MATISSE, un instrument offrant une résolution spatiale équivalente à celle d’un télescope de 150 mètres de diamètre. Où en est-on de ce programme?
Installé au Chili, MATISSE fonctionne très bien et produit des données passionnantes. Il s’agit d’un instrument travaillant dans l’infrarouge moyen. Il permet d’observer des exoplanètes ainsi que des systèmes solaires avec les planètes qui sont à côté. Avec des interféromètres que nous avons construits à Lagrange, vous pouvez aussi mesurer la taille de certaines étoiles, ce qui aide à mieux déterminer leur âge. MATISSE permet également, pour la première fois, de regarder dans les noyaux actifs de galaxies. Des noyaux dans lesquels se trouvent des trous noirs super massifs, des objets très bizarres avec des processus extrêmement énergétiques.
Les projets du Laboratoire Lagrange dans les années à venir
Nous avons énormément de projets que je ne peux malheureusement pas tous citer. Un des grands projets de la communauté française d’astrophysique concerne la préparation de l’instrumentation pour la prochaine génération de grands télescopes. J’ai déjà mentionné l’Extremely Large Telescope de l’ESO qui est en train d’être construit. Nous sommes impliqués dans la réalisation de plusieurs instruments, en commençant par le spectrographe MOSAIC qui va nous permettre d’étudier en détail les galaxies dans les amas extrêmement lointains ou des étoiles dans la voie lactée.
Nous sommes aussi en train de proposer un nouveau mode pour observer les systèmes d’exoplanètes qui tournent autour d’autres étoiles que le soleil avec une précision à laquelle on ne peut que rêver aujourd’hui. Il s’agit d’un mode de coronographie permettant de bloquer la lumière des étoiles pour mieux voir la lumière de la planète qui est juste autour. Normalement, pour bloquer la lumière des étoiles, on utilise un petit écran qui bloque la lumière de l'étoile qui rentre dans l'instrument pour avoir une très haute définition. Mais il y a aussi une manière très innovante d’utiliser des interféromètres pour cela en faisant en sorte que la lumière venant d’un télescope annule (ou presque) celle venant d’un autre télescope. La magie derrière, c’est d’utiliser ce phénomène pour faire disparaître la lumière de l’étoile, tout en laissant la lumière de la planète à côté. Ce projet au nom d'ASGARD avance et nous sommes en train d’assembler l’instrument dans nos salles blanches.
À plus long terme, nous souhaitons nous impliquer dans les activités à l’ESO autour d’un nouvel instrument qui s’appelle le PCS. Un instrument qui va permettre de mieux étudier les exoplanètes et leur atmosphère. Un peu dans la démarche de trouver la deuxième Terre dans l’Univers.
Avez-vous également des projets dans le domaine du spatial ?
Dans le spatial, nous participerons à plusieurs missions, dont une de l’ESA qui effectuera un rendez-vous avec l’astéroïde Apophis qui s’approchera de la Terre en 2029. Nos chercheurs étudieront notamment les effets des forces de marées terrestres sur cet astéroïde. Leurs études permettront également d’évaluer les moyens de dévier au mieux un astéroïde dangereux.
Nous sommes par ailleurs impliqués dans la mission LISA, avec de l’interférométrie qui permettra de détecter les ondes gravitationnelles émises par les évènements les plus violents de l’Univers. Des ondes gravitationnelles qui nous disent des choses sur les fusions des trous noirs. On a déjà trouvé des premières traces avec des instruments au sol, mais nous voudrions mieux comprendre leurs caractéristiques et le lien avec l’évolution des étoiles telle qu’on la connaît.
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