Entre Mer, Terre et Univers…
une preuse chevaleresse

Par La rédaction, 10 septembre 2024 à 13:31

Quoi d'9 ?

Dans le salon feutré des Beauvais du Quai d’Orsay, Odile Hembise Fanton d’Andon, présidente d’ACRI-ST, a été décorée il y a quelques semaines des insignes de chevalier de l’ordre national de la Légion d’honneur. De l'exploration des fonds marins en Atlantique Nord aux missions spatiales d'observation de la Terre, retour sur un parcours d'exception qui a choisi de coupler activités de pointe et sciences participatives ciblant le plus grand nombre.

Odile Fanton d’Andon s’est orientée d’emblée vers des études scientifiques. D’abord à l'université de Nice-Sophia-Antipolis. Après un master en mathématiques appliquées à l'École des mines de Paris, elle poursuit par un doctorat en mécanique à l'université Pierre et Marie Curie - Paris VI.


Ses travaux de thèse, exécutés au CEA Saclay, s'inscriront dans le cadre d'un large projet international sur l'exploration de fonds marins inconnus de l'océan Atlantique Nord. Ce projet de recherche la conduira à des expérimentations de plusieurs semaines en mer, sur le Marion Dufresne, au-dessus des plaines abyssales du Grand Météore et de Nares, et que les découvertes qu’elle y fera se révéleront si importantes et sensibles qu’on ne la laissera pas rendre publique sa thèse, craignant une potentielle application militaire de ses résultats.


En 1989, Odile Fanton d’Andon co-fonde la société ACRI à Sophia Antipolis pour poursuivre ses travaux sur la surveillance et la protection de l'environnement. Elle impulse le développement de nouveaux outils de simulation, en rassemblant des expertises pointues dans les domaines des mathématiques, de la physique et de la dynamique des fluides.


Au début des années 90, cette démarche est particulièrement novatrice. Très vite, l'Agence spatiale européenne s’intéresse à la société et décide de lui confier les premiers simulateurs des missions spatiales d’observation de la Terre, à commencer par le programme d’observation de l'ozone GOMOS, qui sert aujourd'hui de référence pour la surveillance de l'évolution de la couche d'ozone. Suivront d’autres programmes. ENVISAT, Copernicus… La société ACRI-ST nait en 2000 de ces collaborations et s'est affirmée depuis comme un leader européen incontournable en matière de télédétection spatiale.


Fort d’une croissance annuelle de près de 20 % par an avec des filiales en Angleterre, au Canada, en Espagne et en Inde, le groupe ACRI est un modèle de réussite qui a su rester indépendant. Le groupe est entièrement détenu par des fonds français, ce qui est un gage d'autonomie particulièrement précieux dans un secteur aussi stratégique et sensible, et ses capacités informatiques sont parmi les plus élevées en Europe sur le cloud privé pour produire, archiver et distribuer des données géoréférencées. ACRI-ST a développé une expertise unique dans la conservation des données transmises par les satellites pour en permettre le traitement et la valorisation. La société s’investit depuis quelques temps dans le champ spécifique du New Space et des missions d’exploration stellaires et interstellaires. Observation de la Terre, observation de l’Univers… La boucle est bouclée à partir de deux épicentres, Grasse et Sophia Antipolis.


« Au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier dans l'ordre national de la Légion d'Honneur. »


Chapeau bas Madame.




Apologie des sciences participatives


Le principe des sciences participatives est de profiter de la force du nombre pour récolter une grande quantité d'informations, dans une diversité de lieux et à de temporalités. ACRI-ST est adepte du concept et l’état d’esprit est d’ouvrir la recherche scientifique au plus grand nombre dans une volonté de démocratiser l'accès à la donnée spatiale. Son site participatif sur les méduses reçoit certains jours près de 200 observations, avec des pics qui dépassent 15 000 consultations par jour, sur une bande littorale de plusieurs centaines de kilomètres. Des observations sont par ailleurs enregistrées toute l'année, quasiment tous les jours et 7 000 utilisateurs se sont déjà connectés à la plateforme. Une application en ligne a même été lancée cet été.


L'objectif scientifique du projet MEDUSE est de mieux comprendre les conditions d'apparition des méduses et leurs déplacements en mettant à contribution le grand public et en croisant les observations qui remontent de tous avec des données de satellites d'observation de la Terre qui est le coeur d'activité d'ACRI-ST. Si le service reste concentré aujourd'hui sur le Sud-Est de la France, les gens peuvent faire remonter leurs observations de méduses à partir de n'importe quel coin de la planète.


Pas de météo méduse possible pour autant. Même si des laboratoires travaillent aujourd'hui pour mieux comprendre d'où viennent les méduses et comment elles se déplacent, trop de micro-phénomènes sont en jeu pour avoir un modèle prédictif précis. Les méduses font partie du plancton. Elles ne sont pas capables de se déplacer où elle veulent et bougent avec la masse d'eau qui bouge elle-même au gré des vents et des courants. Les aléas locaux sont impossibles à prédire dans la bande des 300 mètres et ce sont eux in fine qui vont influencer les approches vers le rivage. Un rocher peut détourner le courant, un fond sableux peut modifier la propagation de la houle, un petit cours d'eau à sec peut se mettre à déverser après une pluie, modifiant les courants marins à l'échelle de la plage...


La force d'associer des données environnementales à une grande diversité d'observations in situ signalées par le grand public permet de coupler géolocalisation et horodatage à des données physiques et bio-géo-chimiques et d'affiner la compréhension des conditions d'apparition de ce macro-plancton si spécial. Une équipe de scientifique restera toujours limitée géographiquement et temporellement. La force du grand public est son nombre et sa capacité à agir n'importe où et n'importe quand en faisant remonter ses observations. En véritables pionniers de réseau social scientifique.

Parution magazine N°46 (septembre, octobre, novembre)

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