La révolution des microalgues

Par Emmanuel Maumon, 4 septembre 2024 à 10:54

Quoi d'9 ?

Fondée en 2016 par Christophe Vasseur et Hubert Bonnefond, Inalve a mis au point un procédé innovant pour produire des microalgues vivantes. Passée en 2022 sous la houlette de Véronique Raoul, l’entreprise franchit les étapes une à une. Soutenue par des investisseurs prestigieux, elle compte encore accélérer pour passer rapidement au stade industriel. Rencontre avec Véronique Raoul pour évoquer le procédé et les ambitions d’Inalve. 

Véronique Raoul, depuis 2016, Inalve produit des microalgues pour la nutrition et la santé animale. Quels sont les avantages de ces microalgues ?


Le premier avantage de ces microalgues, c’est leur très grande richesse en ingrédients de santé et en molécules d’intérêt pour la nutrition. Le deuxième réside dans leur capacité à doubler leur masse tous les jours. Ceci en ayant seulement besoin d’un peu d’eau, d’un peu de lumière et de quelques nutriments. Ressource de l’océan totalement méconnue, les microalgues disposent d’un très fort potentiel dans de nombreux domaines allant de l’alimentation jusqu’à la santé en passant par la dépollution des sols et de l’eau. Elles constituent par ailleurs la base de la chaîne alimentaire marine. Il n’y aurait pas d’oméga 3 dans le poisson s’il n’y avait pas de microalgues au démarrage.


Les microalgues constituent la base de la chaîne alimentaire marine. Pourtant, il s’agit d’une matière première particulièrement sous-exploitée. Est-ce en raison de la difficulté de leur production ?


C’’est effectivement la raison principale. Aujourd’hui, on ne sait pas les produire en grande quantité de manière industrielle, avec une qualité constante toute l’année et à prix compétitifs. C’est là qu’intervient Inalve avec une rupture technologique majeure. Au lieu de faire peu d’algues dans beaucoup d’eau, nous faisons beaucoup d’algues dans très peu d’eau. La grande innovation consiste à les produire hors de l’eau, en biofilm sur des convoyeurs rotatifs. En fait, elles poussent à l’extérieur du convoyeur et passent régulièrement dans l’eau, un peu comme en aquaponie.


Un procédé particulièrement innovant


Quels sont les avantages de ce procédé ?


Avec notre procédé, nous consommons 80 % d’eau en moins et notre impact climatique est réduit de 60 %. Surtout, nous obtenons une pâte naturellement concentrée qui n’a pas besoin d’être centrifugée pour obtenir un produit commercialisable. Aujourd’hui, nous sommes les seuls au monde à pouvoir commercialiser des microalgues vivantes sous forme concentrée. Par ailleurs, notre procédé offre également des avantages en matière de santé. En effet, nos microalgues produisent une molécule qui s’appelle EPS (Exopolysaccharides) connue pour avoir des propriétés renforçant l’immunité.


Les utilisations possibles des microalgues sont multiples. Soit, comme Inalve, vous les utilisez telles quelles, soit vous en extrayez les ingrédients qui sont des huiles, des sucres et des protéines ou encore des acides gras comme les oméga 3. Elles peuvent s’adresser au marché de l’alimentation pour les animaux ou pour les hommes. Une alimentation végétale qui limite la déforestation ou la surpêche. Une autre utilisation consiste en des bio-intrants naturels se substituant à des engrais chimiques, ou bien encore des molécules santé.


Une réorientation des cibles d’Inalve


Il semble qu’Inalve a évolué dans ses cibles prioritaires. Quels domaines privilégiez-vous aujourd’hui?


Quand j’ai repris la société, un pivot stratégique était nécessaire. Nous sommes les seuls à pouvoir commercialiser des microalgues vivantes et concentrées. Donc, plutôt que de les transformer en ingrédients secs comme le font les autres, nous avons cherché à valoriser ce produit unique. Après tout, l’Organisation onusienne pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) souligne régulièrement que l’aquaculture constitue un marché clé pour assurer la sécurité alimentaire. Ce marché présente deux facettes : d’une part, celle du grossissement des poissons et des crevettes, d’autre part, plus méconnue, celle des nurseries et des écloseries aquacoles. Sur ce dernier métier, les producteurs font souvent face à de forts taux de mortalité et ne trouvent pas sur le marché la nourriture adaptée. Or, la nourriture idéale des larves de crevettes et de poissons, c’est précisément des microalgues vivantes, comme dans les océans.


Nous avons donc décidé de cibler ce marché en fournissant aux producteurs des microalgues vivantes qu’ils peuvent stocker et utiliser le jour où ils en ont besoin. Les microalgues augmentent énormément leurs performances, aussi bien d’un point de vue logistique qu’en matière de productivité et de santé animale. Nous visons aussi bien les poissons, les crevettes et les bivalves, donc l’ostréiculture fait partie de nos marchés potentiels. Ces cibles où il existe une forte demande constituent notre premier marché aujourd’hui, mais demain nous viserons d’autres marchés comme ceux de la nutraceutique ou de la cosmétique.


Une implantation dans la plaine du Var


En 2020, Inalve a inauguré une ferme pilote dans la plaine du Var. Quelles sont les prochaines étapes que vous envisagez ?


Cette ferme pilote a été inaugurée en septembre 2020 et nous l’avons agrandie en 2022 en créant une deuxième unité qui nous a permis de passer de la phase laboratoire à celle de l’échelle réelle afin de vérifier le bon fonctionnement des optimisations réalisées sur notre système de production. Dans le domaine des startups, c’est ce que l’on appelle le scale-up, un processus très important avant de passer à la phase industrielle. Avant d’investir des millions d’euros dans des usines, il faut être sûr que l’on va bien atteindre la productivité que l’on vise.


Pour cette phase industrielle, recherchez-vous toujours un terrain dans la plaine du Var ?


Nous recherchons un terrain pour la dernière phase du scale-up, celle du démonstrateur, l’ultime étape pour valider le modèle industriel. Nous souhaitons effectivement rester dans la plaine du Var. Nous sommes en contact avec la Région et la Métropole, mais cela s’avère compliqué. Peu de terrains sont concrètement disponibles pour l’industrie.


Une succession de levées de fonds


Pour faciliter votre développement, vous avez réalisé plusieurs levées de fonds. Auprès de quels partenaires et avec quels objectifs ?


Déjà, lors de mon arrivée, j’ai investi dans la société auprès des investisseurs historiques qui ont eux-mêmes remis de l’argent (la Région Sud, la Région Rhône-Alpes, Angelor et beaucoup de business angels). Ensuite, fin 2023-début 2024, nous avons réalisé une nouvelle levée de fonds avec l’entrée au capital de Bpifrance et de Seventure Partners par l’intermédiaire de son fond Blue Forward, premier fonds européen dédié à l’économie bleue et aux océans. Une arrivée qui nous apporte beaucoup en termes d’image car elle valide la capacité d’impact de notre société. De plus, il s’agit d’un soutien extrêmement opérationnel, à la fois par leurs réseaux et leurs programmes. Ainsi, nous avons notamment pu intégrer l’accélérateur Néo - Startups industrielles de Bpifrance, qui nous permet de bénéficier d’un accompagnement spécifique sur des sujets très précis.


Nous avons par ailleurs été distingués par la Commission européenne et nous faisons partie des vingt EU Blue Champions. Cette qualification nous donne accès à des prêts de la part de la Banque européenne d’Investissement pour des montants pouvant aller jusqu’à plusieurs millions d’euros.


De fortes perspectives de croissance en termes de production et d’emplois


Dès lors, quelles sont vos perspectives de développement ?


En 2026, nous comptons ouvrir le démonstrateur industriel pour, tout de suite après, partir dans le déploiement véritablement industriel en ouvrant d’autres unités de production. Ainsi, alors qu’aujourd’hui nous sommes en capacité de produire l’équivalent d’une tonne de produits, demain ce sera 10 tonnes avec le démonstrateur. Ensuite, à partir de 2027, nous allons démultiplier les tonnages de manière à pouvoir répondre à la demande très forte de nos clients, basés aussi bien en France qu’à l’étranger. Chez Inalve, nous avons à la fois la vocation d’accompagner une réintroduction de la production aquacole en France, mais aussi à court terme d’alimenter le marché mondial.


Cette forte croissance du volume de production se traduira en termes d’emplois. Nous étions neuf l’année dernière, nous sommes quatorze aujourd’hui et nous serons vingt d’ici quelques mois. Nous avons effectivement six postes à pourvoir en ce moment. Cette croissance se poursuivra par la suite. Nous serons ainsi quarante en 2026 et nous envisageons de passer à soixante-dix très rapidement.

Parution magazine N°46 (septembre, octobre, novembre)

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