Le regard de la Chambre d'agriculture
Quoi d'9 ?
Jean-Philippe Frère, oléiculteur et premier vice-Président de la Chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes © E. Maumon
Plus souvent connues pour leur attrait touristique, les Alpes-Maritimes disposent d’une autre richesse : l’agriculture. Une agriculture riche et diversifiée où cohabitent trois grandes filières : l’arboriculture, le maraîchage et l’élevage. Rencontre avec Jean-Philippe Frère, 1er vice-président de la Chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes. Il nous présente les caractéristiques de cette agriculture et évoque les difficultés rencontrées par les agriculteurs maralpins.
Jean-Philippe Frère, quelles sont les principales caractéristiques de l’agriculture dans les Alpes-Maritimes ?
Dans notre département, l’agriculture représente à peu près 3 000 emplois directs et 1 000 exploitations agricoles, pratiquement toutes à taille humaine. L’agriculture y est très riche et diversifiée, de la plante à parfums à l’oléiculture, en passant par l’agrumiculture, la viticulture, l’élevage et le maraîchage. Elle se divise à peu près à parts égales en trois secteurs : l’élevage, l’arboriculture et le maraîchage.
Y-a-t-il des spécificités sur le territoire de la CASA ?
Toutes les filières sont représentées sur le territoire de la CASA. L’oléiculture est une filière dominante, l’élevage bovin, caprin et ovin a également un poids important. Nous avons aussi du maraîchage, de la plante à parfum, avec également la violette du côté de Tourrettes-sur-Loup. L’agriculture y est donc d’une grande diversité, en lige avec la hauteur du terrain qui démarre du bord de mer et s’étend jusqu’à la montagne.
Une agriculture à la recherche de candidats pour prendre la relève
Quels soutiens pour la filière, notamment en matière de préservation du foncier ?
La CASA mène plusieurs actions en partenariat avec la SAFER, la Chambre d’agriculture et le syndicalisme agricole. Elle a notamment une convention avec la SAFER pour identifier les ventes de foncier agricole et pour éventuellement se porter acquéreur de ces terrains. La Chambre d’agriculture et la CASA ont par ailleurs signé une convention prévoyant un financement à parité pour intervenir sur la transmission des exploitations. La relève des agriculteurs constitue un enjeu fort dans notre département. Vous avez aujourd’hui des entreprises agricoles qui fonctionnent très bien, mais quand les exploitants cessent leur activité, elles ne trouvent pas de repreneurs par manque de candidats.
La faible disponibilité du foncier dans le département constitue-t-elle un frein supplémentaire à l’arrivée de jeunes agriculteurs pour prendre la relève ?
Le problème ne vient pas tant de la rareté du foncier, mais de l’envie de travailler et de la passion d’être agriculteur. L’agriculture demande beaucoup de travail, mais en contrepartie vous avez une récompense énorme. Dans l'élevage, on part de la naissance d’un animal pour l’amener à terme. Dans le maraîchage, on part d’une graine pour nourrir la population et arriver au final avec une salade ou une tomate. En oléiculture, on part d’une fleur qui devient fruit et qu’on transforme après pour le commercialiser. Je pense que cela a beaucoup d’intérêt et nous sommes tous des passionnés. Pour lutter contre le manque de vocations, il faut peut-être redorer le blason de l’agriculture qui a été beaucoup décriée.
L’agriculture dans le département a-t-elle particulièrement souffert ces dernières années de la sécheresse et des intempéries ?
Le secteur a souffert de la sécheresse, bien sûr. Sur plusieurs secteurs de la CASA, comme ceux de Caussols ou de Tourrettes, il n’y a plus eu d’eau et il a fallu alimenter les exploitations avec des camions. Il est grand temps de trouver des solutions car nous avons aussi été fortement touchés cette année par des eaux d’écoulement. Cela confirme les prévisions du GIEC qui a toujours prévu des excès d’eau et de sécheresse. Nous devons mettre en place des réserves d’eau pour faire le tampon quand il en manque. Avec la CASA, nous avons fait un gros travail l’an dernier sur Tourrettes pour alimenter les éleveurs présents sur le domaine des Courmettes.
Pour favoriser les circuits courts et offrir davantage de débouchés au monde agricole, la loi Egalim prévoit des mesures spécifiques d’approvisionnement des cantines scolaires. Y-a-t-il eu des effets bénéfiques dans le département ?
Les cantines scolaires constituent un grand sujet. Les parents veulent donner à manger à leurs enfants, mais en payant le moins possible. Chez nous, ce n’est pas possible de manger bio et naturel pour le prix de l’Espagne ou de la Tunisie. Dans notre département, la production a un coût car le foncier est cher, tout comme la main d’œuvre. Aujourd’hui, nous jouons le jeu et nous faisons un prix pour les collectivités, mais il faut que l’agriculteur soit rémunéré à la juste valeur du coût de production. Il ne peut pas perdre de l’argent sous prétexte qu’il faut nourrir les cantines. Ce n’est pas acceptable et ce n’est pas possible.
La promotion et la valorisation d’une agriculture de proximité passe aussi par des initiatives comme celle de la Maison du Terroir au Rouret. Est-ce un exemple à suivre?
C’est plus qu’un exemple à suivre. La commune du Rouret nous a accueillis alors que nous étions des pionniers en France il y a 21 ans. Pour répondre au développement de la demande, la CASA a ensuite construit cette Maison du Terroir. Aujourd’hui, on ne peut que se féliciter de ses résultats avec 7 000 clients qui sont servis tous les mois. Au début, la coopérative faisait vivre huit familles, désormais elle en fait vivre quarante.
Le ras-le-bol des agriculteurs
En France, le monde agricole est aujourd’hui en crise, notamment en raison de l’insuffisance de revenus. Les agriculteurs maralpins rencontrent-ils les mêmes difficultés ?
Dans le département, le mécontentement ne se situe pas au niveau économique car nous faisons pratiquement tous du circuit court et nous nous en sortons bien. Le ras-le-bol vient de toute la partie administrative et de la non-prise en compte par certains élus de la place à donner à l’agriculture. Certains en sont toujours à privilégier uniquement le tourisme. Aujourd’hui, le message à passer est que l’agriculture a toute sa place. Certes il y a des concurrences car tout le monde veut construire dans les plus belles plaines. Mais à un moment donné, il va falloir les préserver même si cela contrarie certains projets d’urbanisation.
Souffrez-vous également d’une inflation de normes et de réglementations ?
Les règles, heureusement qu’il y en a, mais la partie administrative devient très lourde. Nous souffrons aussi de la non-prise en compte du savoir-faire du département. Nous sommes exclus de toutes les aides parce que nous sommes totalement atypiques, que ce soit sur l’eau ou sur la production. Il faut donc toujours se battre, car nous sommes malheureusement toujours mis de côté.
Trois AOP pour l’Olive de Nice
Comme vous êtes oléiculteur, j’aimerais terminer par un focus sur la production d’huile d’olive dans le département. Tout d’abord, est-ce un secteur florissant ?
La CASA vient de racheter le moulin d’Opio. C’est le plus gros moulin du département et la filière oléicole ne peut continuer à fonctionner que s’il y a des moulins. Je suis très heureux de cette action. Maintenant, on vient de vivre trois années très compliquées avec une production d'olives pratiquement réduite à néant. La filière est en crise et doit s’adapter au changement climatique. Personnellement, je suis en train d’irriguer tous mes vergers. Cela représente des coûts importants d’installation, mais aussi de consommation d’eau. Heureusement, la récolte 2024 s’annonce normale et est la bienvenue après trois années difficiles.
Que vous apporte l’AOP Huile d’olive de Nice qui concerne d’ailleurs quasiment tout le département ?
L’AOP est une garantie pour le consommateur. Une garantie d’authenticité du produit par rapport à son origine et à la variété d’olives utilisée, mais aussi du savoir-faire qu’il y a derrière. Nous nous sommes battus pour avoir cette AOP depuis 2001 et nous sommes fiers de l’avoir obtenue.
Quelles sont les spécificités de l’huile d’olive de Nice produite à partir d’oliveraies plantées en variété Cailletier ?
C’est une huile qui est douce, avec des arômes d’amande verte, de noisette et d’artichaut vert. Mais les produits phares chez nous, ce sont les olives de bouche et la pâte d’olive. Ce sont ces deux produits qui nous font vivre. Si nous ne faisions que de l’huile, nous ne serions plus là depuis longtemps. Nous sommes les seuls en France à avoir une AOP sur la pâte d’olive. Pour les olives de bouche, nous sommes imités par plein de monde. On trouve sur les marchés des olives façon niçoise, mais cela n’a rien à voir avec nos olives de Nice.
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