Carnet de santé
de l’écosystème BioTech
De Tech à tech
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La filière HealthTech française, regroupée au sein de France Biotech (Association des entrepreneurs de l’innovation en santé) correspond à environ 2 600 entreprises dont 800 Biotech, 1 440 Medtech1 et 400 sociétés de numérique en santé et Intelligence artificielle.2 C’est aussi 50 000 emplois directs et indirects, dont 14 500 emplois directs sur le territoire français, qui développent actuellement plus de 4 000 innovations en santé. C’est enfin un chiffre d’affaires de 1.4 Md€ en 2022, un tiers de plus que l’année précédente.
Un effet ciseaux problématique ?
Économie émergente de la santé vs. modèle de protection sociale français
Le développement de produits thérapeutiques de plus en plus ciblés sur les agents pathogènes, la mise au point de vecteurs moléculaires facilitant la délivrance d’agents thérapeutiques dans différents organes, le bond de précision de l’imagerie médicale, le développement de machines spéciales robotisées en remplacement de l’outillage chirurgical traditionnel... Toutes ces (r)évolutions bouleversent les pratiques de soins et touchent les patients comme les praticiens. Entre les deux : des assemblages de sciences et de technologies anciennes et nouvelles et l’introduction de l’IA, qui a transformé les processus de recherche et les pratiques thérapeutiques en accentuant le grand écart entre cette économie émergente de la santé et le modèle de protection sociale français de référence qui s’essoufle…3 Jamais les dispositifs de soins n’avaient eu à faire face à un tel chamboulement !
Trois marqueurs clés dans le long processus de transformation de l’industrie de la santé
Le premier est l’entrée dans le domaine public, à compter des années 2000, des premiers brevets de médicaments déposés avant les années 1980. Un effet immédiat a été la perte de rente de situation des fleurons de l’industrie pharmaceutique française. Signé en 1994 dans le cadre de négociations à l’OMC4, l’Accord sur les ADPIC5 a étendu à l’échelle internationale la protection de la propriété industrielle sur le médicament qui conférait aux firmes une situation de monopole avec le bénéfice de brevets d’une durée de vingt ans pouvant être prolongée d’une durée maximale de cinq ans. Ce processus d’expiration des brevets sur les médicaments a permis l’entrée sur le marché des premiers médicaments génériques engendrant une dérégulation de la chaîne de valeur propre à la fabrication des médicaments.
Le deuxième marqueur de transformation de la filière est à trouver dans le passage de l’ère industrielle des procédés chimiques à l’ère industrielle des biotechnologies. Les industriels ont découvert dans les années 1960 que la chimie n’était ni le seul procédé thérapeutique, ni la seule source d’innovation et, face à la diminution du nombre de nouvelles molécules arrivant sur le marché, l’industrie s’est ouverte aux biotechnologies. Un effet immédiat a été d’augmenter fortement les coûts de R&D pour être en pointe sur les nouvelles techniques de recherche (criblage à haut débit, profilage préclinique in vivo et in vitro) résultant de la biologie moléculaire et de la génomique (séquençage, recherche de biomarqueurs).
Le troisième marqueur est l’avènement de l’IA. C’est la dernière « nouvelle ère ». Traitement, analyse et stockage des données, objets connectés et intelligence artificielle ont récemment ouvert les horizons de la médecine de demain. Plus précise, préventive, personnalisée, réactive, participative et numérique… Sont directement concernés l’aide au diagnostic (IA), la consultation (télémédecine), les actes techniques (robotique chirurgicale) avec l’apparition de robots en chirurgie (robot Da Vinci), sans oublier les avancées pour injecter dans le sang des microrobots capables de traitements ciblés.
Stockage des données et relocalisation des chaînes de production,
les deux enjeux majeurs de souveraineté
Le choix des autorités françaises de s’appuyer sur Microsoft pour stocker les données de santé de la Plateforme Health Data Hub6 inquiète. Les informations concernées sont en effet issues de centres hospitaliers, de pharmacies et des dossiers médicaux partagés. Garder la main sur les technologies employées pour analyser ces données est un enjeu reconnu de souveraineté auquel répondrait l’invention d’un cadre donnant la possibilité de développer des innovations médicales sans risquer de disperser la richesse des données existantes.
La relocalisation des médicaments essentiels est le deuxième enjeu majeur de souveraineté. Comment aboutir à un coût de production compétitif par rapport aux fournisseurs extra-européens au prix d’innovations de rupture dans les procédés de fabrication ? Les nouvelles voies de synthèse chimique et les systèmes de production en flux continue ouvrent ici la voie, on peut citer le projet PIPAc issu du consortium Alysophil/De Dietrich Process Systems/NovAliX/Bruker.
Restent deux problématiques : le coup de froid en matière de financement de la BioTech et l’appauvrissement des marchés publics. Le financement par capital-risque a reculé de 25 % en 2023 pour s’établir à 20,9 milliards €, au niveau le plus bas des six dernières années, toutes zones géographiques confondues. Seule alternative : les partenariats industriels vers lesquels se tournent désormais les entrepreneurs. Ces partenariats peuvent offrir des fondations solides aux entreprises DeepTech en consolidant la réussite de leur R&D et facilitant leur accès au marché. L’autre problématique est que le marché actuel pour la filière est un marché sous contrôle d’États en voie d’appauvrissement. Face aux tensions sur les ressources financières en amont, les entreprises HealthTech ont bien peu de débouchés en aval car le marché de la santé publique est en voie d’appauvrissement. Déficit de la sécurité sociale, volonté des États de réduire les coûts de santé, dette française abyssale…
La filière HealthTech française est aujourd’hui au cœur d’une transformation que l’introduction des IA amplifie et qui la conduit à devoir faire certains choix stratégiques structurants au vu de ses contextes d’opération. Si les innovations laissent entrevoir de nouveaux modèles de soins, les capacités de financement de la R&D apparaissent insuffisantes au regard des enjeux de souveraineté dans un contexte de marché qui s’appauvrit. Comme le programme Airbus l’a été en son temps pour l’aéronautique française et européenne, on ne peut que souhaiter que retrouver la mémoire du développement de la médecine et de l’industrie pharmaceutique françaises conduise à un plan stratégique de soutien pour la filière Santé/BioTech.
1 Dans l’article, HealthTech (pour technologie de la santé) désigne la technologie médicale et les solutions logicielles qui aident à gérer la santé des personnes. MedTech (pour technologies médicales) désigne les dispositifs médicaux et technologies qui aident les prestataires de soins de santé à diagnostiquer et à traiter les patients de manière efficace.
2 Pour plus d’information, consulter la 21e édition du panorama France HealthTech 2023 accessible en ligne ici, https://www.calameo.com/read/006597052ac1f184b08d7.
3 Jusqu’à ces dernières années, c’est la Sécurité sociale qui finançait la recherche dans le domaine de la santé par une politique d’achat et d’acquisition de matériels pour équiper les hôpitaux. La tendance actuelle est à la réduction des dépenses.
4 L’acronyme OMC correspond à Organisation mondiale du Commerce.
5 L’acronyme ADPIC renvoie aux Aspects des Droits de Propriété intellectuelle qui touchent au Commerce.
6 Créé par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et la transformation du système de santé, Health Data Hub est un groupement d’intérêt public qui associe 56 parties prenantes dont le CNAM, CNRS et Haute Autorité de santé. L’objectif est de mettre en œuvre les grandes orientations stratégiques fixées par l’État relatives au Système national des Données de Santé.
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