Nectar et ambroisie

Par Frank Davit, 3 septembre 2024 à 14:16

Arts en scène

Avec ses deux 5, elle semble faire tchin-tchin en signe de bienvenue. À la Scène 55, la coupe est pleine, de bonheur, grâce à son cocktail de spectacles pluridisciplinaire savamment dosé. À la vôtre !

Un nouveau directeur artistique qui vient tout juste de prendre ses fonctions, en la personne de Pierre Caussin, jusqu’alors en charge du Forum Jacques Prévert de Carros. René Corbier qui a donné son élan à la nouvelle saison pour la toute dernière fois. Ça redémarre plus que jamais sur les chapeaux de roue pour Scène 55. Depuis 2017, date de son inauguration, le théâtre de Mougins a su faire sa place à côté des autres lieux de spectacle azuréens. L’endroit a trouvé son ton, même si la saison 24/25 a quelque peu réduit sa voilure, faute à une conjoncture difficile pour le monde théâtral français en général. L’essentiel demeure : mêler les registres d’émotions pour une offre spectacle au goût du jour. « Scène 55 a développé sa propre sensibilité, un tropisme danse et marionnettes qui fait une part de l’originalité de sa programmation », souligne René Corbier. « Elle propose également un versant pluridisciplinaire avec du théâtre, du cirque, de la musique... Tout cela combiné, on peut formuler ainsi son credo : faire plaisir au public en montrant ce qui se crée aujourd’hui ! » Dont acte. Place au spectacle !


L’indomptable légèreté de l’être


Chaussez vos plus beaux souliers de bal, la nouvelle saison va vous envoyer valser aux bras de chorégraphes qui font bouger les lignes de la danse au gré de mouvances et autres turbulences inspirées, comme si ces artistes prenaient le pouls de notre époque. En off, René Corbier aime à dire de certains des spectacles programmés qu’ils ne sont pas « de la tisane ». C’est précisément le cas de ces spectacles dansés. Á commencer par la pièce de l’un des chorégraphes les plus acclamés du moment, Hofesh Shechter. Parmi ses hauts faits, on a vu celui-ci jouer dans le film En Corps, de Cédric Klapisch. Il n’hésite pas à faire de ses créations des éruptions volcaniques d’énergie convulsive et/ou frénétique. En début de saison, avec sa compagnie, il présentera en exclusivité à Scène 55 l’un de ses derniers opus, From England with love. « Une claque monumentale », prévient René Corbier.


Lui emboîteront le pas d’autres tumultueux talents du monde de la danse. Martin Harriague, en qualité de chorégraphe associé pour la saison, pour Crocodile, un pas de deux à quatre (musiciens compris). Mourad Merzouki avec la compagnie Käfig pour Phénix, où viole de gambe et danse hip-hop font (et défont) la paire. Nacim Battou pour Dividus, porté par la compagnie Ayaghma.


Attention, ça va secouer et la suite du programme ne s’annonce pas de tout repos ! Yann Giraldou pour un Casse-Noisette revisité. Arthur Perole pour Tendre Carcasse. Francesco Curci avec Rebound. Hervé Koubi avec Sol Invictus, néo-péplum hip-hop aux allures de chromo mystico-musclé. Carte de visite éloquente, ces chorégraphes et danseurs ont pour point commun d’avoir gravité, à un titre ou un autre, autour du Pôle national supérieur de danse Rosella Hightower, mitoyen de la Scène 55. Lequel Pôle est donc chaque année un invité de marque de la saison, à la faveur des Rencontres Internationales des Ballets Junior qui réunissent dans leur sillage la fine fleur des jeunes pousses les plus prometteuses de la danse. En invitant ainsi des artistes et des compagnies déjà établis, en invitant d’autres en plein essor, en mêlant des stars de la profession et des noms émergeants, Scène 55 appareille pour une odyssée chorégraphique qui a fière allure !




Premier de cordée


Pour lui, clin d’œil au titre du célèbre film de Fellini, ce sera en quelque sorte son Huit et demi. René Corbier va en effet quitter ses fonctions en décembre à la direction artistique de Scène 55, après y avoir passé un peu plus de huit ans et autant de saisons dans la place. Huit et demi lui va bien parce que le personnage principal joué par Marcello Mastroianni est un metteur en scène aux prises avec son imaginaire débordant (entre autres). Là s’arrête la comparaison. Faire assaut d’imagination en faisant acte de grâce, c’est ce à quoi René Corbier s’est employé tout au long de son ″mandat″ pour que Scène 55 devienne et soit reconnue comme un lieu de spectacle à part entière. Il y est parvenu haut la main parce qu’il est un amoureux des arts de la scène, fin connaisseur des choses de la danse et de la marionnette, et qu’il n’a eu de cesse de partager ses coups de cœur et ses emballements avec le public. Point de délit d’initié chez lui : il a croqué la pomme d’un théâtre populaire en cultivant un jardin des plaisirs et des émotions qui a porté ses fruits de saison en saison. Œuvrant au service d’un établissement public, fidèle à la vocation d’un tel lieu, René Corbier a eu à cœur, bien au-delà de ses seuls goûts et critères de choix, de « montrer ce qui se crée aujourd’hui », comme il nous le rappelle. Passionné, chaleureux, on salue le bonhomme et chapeau l’artiste !

Parution magazine N°46 (septembre, octobre, novembre)

Qu’en pensez-vous ?

Donnez-nous votre avis

Pour vérifier que vous êtes une intelligence humaine, merci de répondre à ce questionnement lunaire.