Noces d’argent pour JP Largillet
et ses médias du temps du web

Par La rédaction, 9 décembre 2024 à 02:27

Quoi d'9 ?

Observateur du développement de Sophia Antipolis depuis de nombreuses années, Jean-Pierre Largillet nourrit notre cerveau toutes les semaines d’actualités choisies de la technopole et de la Côte d’Azur. Résolument technophile, curieux des transitions rapides en cours, Jean-Pierre célèbre cette année 25 ans d’existence de ses médias du temps du web. Créés en 1999 à l’époque où Internet commençait à imprégner le grand public, WebtimeMedias et Sophianet, sont deux mines d’information patiemment compilées et portées à connaissance de tout lecteur avide de potin techno-économique. En tout, 47 000 news, réparties en articles de fonds et annonces d'événements et écho. La rédaction l’a rencontré pour faire le point sur tout un pan d’histoire locale.

Si on regarde dans votre rétro Jean-Pierre, quels ont été les principaux moments charnières qui ont visiblement impacté la technopole ?


Le rétro porte loin. J'ai commencé à suivre Sophia Antipolis dans le milieu des années 80 en tant que journaliste à Nice-Matin, puis pleinement à partir de 1999 avec Sophianet.com. Sans être exhaustif, je citerai dans les moments charnières l'arrivée d'Amadeus en 1988, la montée de Digital Equipment Corporation (DEC), qui à partir de Sophia, a organisé des salons de plus de 20 000 personnes à Cannes autour de l'informatique centralisée, et sa chute faute de ne pas avoir cru à l'ordinateur personnel. C'est Apple qui a gagné... À retenir aussi le basculement d’une activité télécom dominante jusqu'au milieu des années 90 - c’est de là qu’est venu le nom de Telecom Valley - supplantée ensuite par celle du logiciel.


Dans les moments charnières, évidemment, l’arrivée de la vague Internet au début des années 2000. Sophia Antipolis a su la prendre magistralement grâce à ses centres de recherche et l’amplifier par une ébullition startup. Le CICA dans ce domaine - Centre International de Communications Avancée - aura été la première pépinière d’entreprises innovantes avant sa fermeture en 2012. Dans sa foulée, l’écosystème de l’innovation (incubateurs, pépinières, réseaux, associations) s’est peu à peu étoffé.


Bien d'autres moments charnières seraient à retenir. Le déblocage en 2008 du Campus SophiaTech, dont la construction n’était alors plus assurée, en est un. Ce campus, avec une forte présence d'Université Côte d'Azur, est un des moteurs de la technopole aujourd'hui.


Rétrospectivement, l’évolution de Sophia Antipolis est impressionnante. En 2000, la technopole comptait 20 000 emplois et regardait Cambridge avec envie : 45 000 personnes. Aujourd'hui avec 43 000 emplois, elle n'en est vraiment pas très loin. Cela ne s'est pas fait sans quelques coups durs avec des moments d'incertitude. L'écroulement de DEC à l'époque, le départ de Texas Instruments en 2013, celui de Galderma en 2018 ont pu faire douter du modèle. Mais les vides ont été rapidement comblés. Les talents sont restés et ont alimenté d'autres aventures. On a retrouvé un peu partout les anciens de DEC et une partie des salariés d'Intel sont passés à Ampere, le numérique de Renault.


Aujourd'hui, la grande vague est celle de l'IA. C’est un nouveau moment charnière de taille, sinon plus important que celui de l’arrivée d’Internet. Et là encore Sophia Antipolis est bien placée pour ce qui s’annonce : l’ouverture d’une nouvelle ère industrielle.



Quel regard portez-vous sur les pratiques d’information aujourd’hui ? Les journalistes et les médias sont-ils en danger face aux communicants et au développement des nouveaux canaux d’information ?


Je me garderai bien de dire que c’était mieux avant. Mais à coup sûr, c’était très différent. Sans remonter à l’ORTF des années 60 avec le monopole de l'État sur la radio et la télévision, l’information était auparavant distribuée par les grands médias de presse écrite, radio, et télévision. Ce n’est pas forcément l’idéal. Ces quasi monopoles ont volé en éclat avec l’arrivée d’Internet. Désormais, avec de petites structures, il était possible de publier et de toucher un public. C’est ce qui m’a amené en 1999 à quitter Nice-Matin pour me lancer dans l’aventure de Sophianet.


À l’époque, c’est la junior entreprise de l’ESSI (aujourd’hui Polytech Nice Sophia) qui a développé mon premier CMS (Content Management System) me permettant de publier facilement sur le Net. Il n’y avait pas encore Wordpress et les outils sur le marché étaient abominablement chers.


Dans ce qui a particulièrement changé aujourd’hui par rapport aux débuts d’Internet, c’est l’incroyable montée des réseaux sociaux et le rôle croissant des influenceurs. Les journalistes sont-ils en danger ? Certainement. Mais c’est à eux de montrer qu’ils ont un rôle, que ce sont eux qui restent le plus près de la réalité des choses, qui vous expliquent le mieux en quoi un événement peut changer votre vie. J’aime bien l’expression « le journaliste est le gardien du réel ». C’est en fait à lui d’enrichir la gigantesque base de données qui alimente les IA génératives en y apportant les nouveaux événements et le vécu de l’histoire humaine.


Le problème reste dans la valorisation de l’information. Si plus personne ne veut payer pour une information de qualité, pour ce travail de débroussaillage, de filtrage et de mise en forme du flot de « news », ce sont les influenceurs, essentiellement payés par les marques, qui éclaireront le paysage.



Désinformation, sur-communication, manipulation… De votre point de vue de professionnel de l’information, comment minimiser l’impact négatif de la course actuelle à l’immédiateté ? Et notez-vous une volonté des professionnels de l’information d’emprunter ce chemin ?


Peut-on arrêter le vent ? Pour ma part je ne le crois pas. Tout au moins pour l’instant. Nous voulons tous connaître le plus rapidement possible ce qui se passe dans notre univers. On peut tous regretter qu’une information chasse l’autre et, nous, journalistes, qu’il n’y ait plus véritablement de scoop. Mais l’instantanéité des médias a tout changé. C’est une donnée essentielle à prendre en compte.


Maintenant, la course à l’immédiateté ne veut pas dire reprendre n’importe quelle information sans la vérifier, sans tenter de la replacer dans son contexte et de lui donner un sens. La technologie vient là aussi à notre secours. Faisons-nous en une alliée. Les moteurs de recherche, les bons interlocuteurs sur les réseaux sociaux, nous permettaient déjà de recouper des informations et de les valider. Les IA génératives, de plus en plus, pourront aussi fouiller rapidement les meilleures publications pour nous aider à mieux maîtriser un sujet, à débusquer des fake news, à dessiner un contexte, à mieux le présenter.


L’impact négatif de cette course à l’immédiateté, avec parfois des nouvelles erronées qui se répandent même à travers des grands médias, peut être minimisée par le professionnalisme des journalistes et leur maîtrise des technologies de la communication. Cette maîtrise est désormais une grande part de notre métier. C’est pourquoi l’évolution technologique fulgurante qui se joue aussi à Sophia Antipolis me fascine et m’a poussé à engager une nouvelle étape avec la réinvention de Sophianet.com et de WebtimeMedias.com Nouvelle aventure.

Parution magazine N°47 (décembre, janvier, février)

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