Sortilèges sur le Rocher
Arts en scène
Carmen © Jesús Vallinas
En Principauté, dès la mi-décembre, la danse est reine du Grimaldi Forum et les Ballets de Monte-Carlo sont les joyaux de sa couronne. Sertis des reflets de plus d’un spectacle, on les retrouve à l’occasion de cette période faste dans des productions appelées à faire sensation. Envoûtement immédiat.
Dans la constellation des Ballets de Monte-Carlo, brille une danse née sous une bonne étoile. Degré d’exécution affûté, éclectisme créatif inspiré, entre la grâce et la classe, elle phosphore d’un vif éclat. L’actualité des Fêtes en fournit une nouvelle illustration qui s’affiche à la une du Grimaldi Forum et de ses représentations. Sur les charbons ardents du Monaco Dance Forum, l’un des volets de sa programmation, la compagnie monégasque invite ainsi quatre chorégraphes à partager ses évolutions du moment. Baptême du feu de l’édition 2023 avec les compagnies 6eSens et Dk-BEL, pour un spectacle qui met en scène des danseurs avec et sans handicap, l’un des leitmotivs de leur travail. Titre du spectacle, « C’est beau… », signé Cécile Martinez et Sophie Bulbulyan (14 décembre). Comme ces deux compagnies, Hervé Koubi, lui aussi, a déjà gravité autour des Ballets de Monte-Carlo, pendant leur F(ê)aites de la Danse l’été dernier. Avec ses danseurs, il avait alors présenté un aperçu de son nouvel opus, « Sol Invictus ». Une ébouriffante tornade chorégraphique mixant gestuelle hip-hop et péripéties acrobatiques en une sarabande exultante. Á l’occasion du Monaco Dance Forum, celle-ci se découvre enfin dans son intégralité (15 et 16 décembre). Après quoi, à l’ordre du jour des grands soirs des Ballets de Monte-Carlo, deux pépites sont à suivre, qui ont tout pour défrayer en beauté la chronique spectacle de cette fin d’année et de l’an neuf. Soit « L’enfant et les sortilèges », la nouvelle création du mentor des Ballets, Jean-Christophe Maillot, et la Carmen de Johan Inger, somptueuse variation autour du personnage iconique qui a raflé tous les suffrages dès sa première rencontre avec le public, en 2015.
Une femme et un enfant, d’abord
Pour Maillot, L’enfant et les sortilèges est comme un retour aux sources. Il avait monté cette fantaisie musicale de Ravel en 1992, à son arrivée en Principauté. L’œuvre avait été créée ici-même, à Monte-Carlo, par Ravel en 1925, sur un livret de Colette. Maillot la revisite aujourd’hui dans un spectacle grand format où 240 artistes vont se déployer sur scène. Danseurs, mais aussi musiciens et choristes, la nouvelle production s’annonce sous des allures de comédie musicale pour raconter les mésaventures d’un petit tyran domestique avec une foule d’objets quotidiens. Feu le prince Rainier III de Monaco, dont on célèbre cette année le centième anniversaire de la naissance, goûtait fort cette œuvre de Ravel, tout comme il aimait également La Valse de George Balanchine, ballet créé en 1951 sur des airs de Ravel. En mémoire du prince Rainier, les Ballets de Monte-Carlo vont danser ce double programme, à la fois rétro et inédit (du 20 au 23 décembre). Dans la foulée, ils mettront ensuite le feu aux poudres pour donner corps à un spectacle puissant, torride et sensuel, une reprise de la Carmen du chorégraphe suédois Johan Inger. En 2016, celui-ci avait reçu un Benois de la Danse, l’une des plus hautes distinctions du monde de la danse, pour saluer sa vision de l’héroïne de Mérimée, portée par la Compañía Nacional de Danza Madrid. C’est peu dire que, dans son écriture du désir et dans sa soif de liberté amoureuse, cette Carmen-là fait des étincelles. Aux danseuses et aux danseurs monégasques de s’approprier la matière en fusion d’une chorégraphie canaille et jubilatoire, aux chatoiements dignes d’un film d’Almodovar, pour lui rendre grâce, dans tout son éclat !
Monaco Maillot mambo !
Depuis plus de trente ans, grâce à leur belle histoire avec la princesse Caroline de Hanovre qui en est la marraine, Jean-Christophe Maillot a fait des Ballets de Monte-Carlo une incroyable maison de danse, aux portes grandes ouvertes sur de multiples aventures chorégraphiques. Directeur-Chorégraphe des Ballets, Maillot leur a donné plus qu’une visibilité : un souffle, une flamme. Autour de son travail, poursuivant sa pratique d’orfèvre auteur d’une gestuelle virtuose, il a forgé l’identité d’une compagnie, fleuron d’une danse néoclassique transcendée par des accents modernes et contemporains. Une compagnie qui a soif de s’incarner dans un technicolor créatif, entre des productions grand spectacle et des pièces plus intimistes, pour porter à incandescence sa fièvre des corps. Dans tous les cas de figure, de ballet en ballet, la danse prend ici le pouls d’une esthétique plurielle mais au fond, « ni tout à fait la même ni tout à fait une autre », elle cisèle son blason artistique sous ce dénominateur commun : distraire, émouvoir, surprendre. « Etonne-moi ! », lança Diaghilev au poète Jean Cocteau quand il lui demanda de créer pour les Ballets Russes dont il était le mentor. La réplique est passée à la postérité. Au sein des Ballets de Monte-Carlo, elle semble avoir été érigée en mantra. Premier de choré, Maillot hisse son art à belle hauteur.
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