Le TNN ou les incandescences du cœur
Arts en scène
Histoire de laine © DR
James Brown est une sex machine. Bardot n’a besoin de personne... Et sur les starting-blocks de sa nouvelle saison, le Théâtre National de Nice vibre en beauté pour nous faire sentir les trépidations de son terrible engin. On appuie sur le starter !
De la Cuisine aux Franciscains, ses deux salles en side-car, quelle scène machine, ce TNN ! Capitaine accroche-cœur d’une nouvelle saison qui bat la chamade pour l’amour du spectacle vivant. Croque-mitaine de la morosité pour jouer les attrape-cœur de nos émois et laisser la voie libre aux sortilèges des arts de la scène. Dès le début octobre, vous l’aurez compris, le Théâtre National de Nice, grosse cylindrée du circuit théâtral azuréen, fait vrombir ses turbines pour une superbe équipée sauvage où l’âme et le cœur carburent à cent à l’heure. Cela se traduit par une succession de spectacles qui vont nous emporter dans une célébration de l’humain. Grands classiques comme Dom Juan de Molière ou Les fausses confidences de Marivaux respectivement montés par deux grands noms des planches, Macha Makeïeff et Alain Françon. Bijoux d’inventivité à l’image d’Histoire de laine, spectacle bout d’ficelles de Xavier Sánchez et Analia Serenelli, des Vagues de Virginia Woolf revisitées sous la forme d’une création d’Elise Vigneron où évoluent des marionnettes en glace, et du Petit théâtre du bout du monde par Ezéquiel Garcia-Romeu, miniaturiste alchimiste d’atmosphères envoûtantes pour d’étranges créatures. Soif d’imaginaire et de mythe pour regarder notre condition humaine, divine comédie ou sombre cauchemar. Fringale de fables aussi, comme celles de La Fontaine dont Muriel Mayette-Holtz, la directrice du TNN, fera la trame de son nouveau spectacle pour les Fêtes, Clair est La Fontaine… Pareil à un kaléidoscope, le TNN multiplie ses motifs tout en restant dans son axe de vision.
Poétique du spectacle vivant
« La culture, ça sert à s’élever et l’humain, c’est l’essence même du théâtre », revendique Muriel Mayette-Holtz. « Chaque année, pour donner un éclairage vivant à ces mots, j’aime bien illustrer la tonalité de la nouvelle saison par un dicton. Pour la saison 24/25, j’ai choisi ce fameux vers d’Eluard, ″la terre est bleue comme une orange″. Une façon d’inviter le public à tenter l’aventure avec nous, ici au TNN, d’aller vers une forme d’inconnu grâce à la surprise d’un spectacle et de savoir encore s’enchanter devant le monde, malgré tout… » Un acte de résistance en somme, un manifeste pour rappeler que la politique d’un théâtre peut être celle du rêve sans renoncer pour autant à faire entendre les sirènes du réel. Le TNN en fait la preuve dès son spectacle d’ouverture avec Douze hommes en colère. Tout est dit dans le titre de cette pièce américaine qui a inspiré le célèbre film éponyme de Sidney Lumet avec Henry Fonda. Seul contre tous, un homme s’élève contre les faux-semblants d’un ordre établi pour rétablir la vérité au sein d’un jury de cour d’assises. Ne pas céder à la vindicte populiste, au diktat expéditif de la loi du plus fort et du plus nombreux. Rester debout. Dans le contexte actuel troublé, fruit des hasards d’une programmation arrêtée bien avant, chacun verra l’entrée en matière de la nouvelle saison du TNN sous le prisme qui lui convient.
Filles du feu
Objet de divertissement, de rêverie ou de réflexion, quoi qu’il en soit, au-delà de toute spéculation, n’en reste pas moins que le TNN a donc choisi de moissonner sa saison en bleu et orange. Pour ce faire, il s’apprête à sillonner des horizons théâtraux qui cultivent leur originalité et leur singularité, qui ne suivent pas forcément les traces de spectacles balisés têtes d’affiche. Un air de liberté créatrice dans ses branches de sassafras, le TNN n’en a que davantage les cheveux dans le vent pour décoiffer son monde et décupler l’attractivité de sa saison par des atouts novateurs. Bien plus de femmes que par le passé ont accès à la création. Dans leur sillage, on assiste à l’avènement d’autres écritures scéniques qui jouent sur plus d’un tableau, mêlent l’intime et le politique pour refléter la société d’un point de vue féminin. Mouvance aux contours turbulents, toute une génération de muses en scène s’empare ainsi des plateaux du TNN et allume la saison dans tous les sens du terme. L’onde de choc se propage avec bonheur à tous les genres théâtraux. Texte, danse, marionnettes, musique, nouveau cirque, les filles sont bel et bien dans la place. De la chorégraphe circassienne Raphaëlle Boitel pour Diptyque (la Bête noire et Petite Reine) à l’odyssée de soi menée par Linda Blanchet avec ADN [Histoires de familles]. D’Agnès Régolo pour le conte l’Oiseau vert à Pauline Bureau et sa relecture du conte de Blanche-Neige dans Neige. D’une dramaturge metteure en scène, Violaine Arsac, pour Danse avec moi à une autre, Maryse Estier qui adapte Marie Stuart, sommet du théâtre romantique allemand de Friedrich von Schiller… Elles et bien d’autres encore déroulent le fil rouge de la programmation orange et bleue.
Ça planche pour lui
Vous reprendrez bien un peu des fruits de saison du TNN ? C’est qu’il y a encore comme une diagonale du feu sacré à découvrir dans la programmation et qu’elle a pour nom la Comédie-Française. Celle-ci est en effet l’hôte régulier du premier théâtre niçois et elle y revient cette année avec un spectacle musical consacré au répertoire d’un certain Lucien Ginsburg, Les Serge [Gainsbourg point barre]. Autre production, cette fois en lien indirect avec la grande maison, Les Sœurs Hilton. Christian Hecq, l’un des créateurs du spectacle, en est certes sociétaire mais ne joue pas là sous son enseigne. En duo avec sa compagne et complice de jeu Valérie Lesort, au gré de quelques infidélités extra-conjugales à la troupe du Français, il n’aime rien tant que s’aventurer dans des extravagances théâtrales au parfum d’enfance et de merveilleux inouï de magie poétique, riche d’un pesant d’or et de cacahuètes à haute teneur en vérités humaines ! Grâce à quoi les Sœurs Hilton, histoire de deux sœurs siamoises exhibées dans un cirque, s’annoncent déjà comme l’une des palpitations majeures de la saison des cœurs du TNN. Sur un tout autre versant d’un art théâtral en folie, la compagnie culte Peeping Tom, en la personne de l’une de ses fondatrices, Gabriela Carrizo, vient prendre ses quartiers de création au sein du TNN pour livrer en fin de saison ce qui sera son nouvel opus, Chroniques.
Ouvrir grand les bras au public
Lieu citoyen (et citoyenne), ancré dans le présent, le TNN s’emploie activement à remplir son rôle d’utilité publique. Comme le souligne Muriel Mayette-Holtz : « Á travers la programmation, avec nos différentes actions pédagogiques et nos festivals de magie et de tragédies, l’équipe du TNN met tout en œuvre pour déployer une énergie théâtrale qui ouvre grand les bras au public… » Dans toute sa noblesse, l’expression de théâtre populaire trouve ici sa pleine dimension et prend des accents très concrets. Savez-vous que les places de dernière minute (quand il en reste) sont en vente quinze minutes avant le début d’un spectacle au tarif de 10 euros ? Quant aux étudiants, sur présentation de leur carte Université Côte d’Azur, il ne leur en coûtera que 5 euros pour assister à une représentation.
Pour aller plus loin...
Dans la même rubrique
UNESCO, Monaco
et la photographie environnementale
6 décembre 2024 à 02:26
Eugénie Andrin
fleur du bal
5 décembre 2024 à 23:33
Maillot ou la danse en destin...
5 décembre 2024 à 23:19
Cha-cha-cha sur le Rocher
5 décembre 2024 à 00:50
Nectar et ambroisie
3 septembre 2024 à 14:16
Planches de vie
2 septembre 2024 à 14:29
Qu’en pensez-vous ?
Donnez-nous votre avis
Pour vérifier que vous êtes une intelligence humaine, merci de répondre à ce questionnement lunaire.