Entre univers sensoriels et archives olfactives,
le Pays de Grasse en équilibre…

Par La rédaction, 2 juin 2024 à 21:58

Arts en scène

Art total. Le Graal de tout artiste. L’idée qu’une œuvre, condamnée à l’immobilité par essence, puisse transcender sa nature figée et prendre vie en combinant couleurs, formes, mouvements et sons. Pari tenu en Pays de Grasse avec l’hommage à Dominique Thévenin aux Jardins du MIP et une mise en lumière de trois jeunes artistes, Tiphaine Calmettes, Camille Correas, et Florian Mermin au musée international de la Parfumerie. Deux expositions à arpenter sans modération.

Côté Cour


Le musée international de la Parfumerie de Grasse invite à une nouvelle exploration sensorielle inédite. L’exposition estivale, Mondes Sensibles : Une histoire sensorielle de l’œuvre d’art totale, offre un voyage unique au cœur de la création contemporaine, en proposant une immersion dans des univers où les sens sont sollicités de manière inédite. L’histoire du parfum dans toute son audace… Sous le commissariat de Sandra Barré, Mondes Sensibles offre un regard rétrospectif sur l’art total, remontant du début du 20e siècle à nos jours, à partir d’archives, dont certaines reconstituées olfactivement, ce qui au passage invite à réfléchir sur la manière dont l’histoire de l’art s’écrit et se conserve. Pour cet été, le MIP accueille les œuvres de trois jeunes artistes émergents - Tiphaine Calmettes, Camille Correas et Florian Mermin - qui ont eu carte blanche pour créer des mondes sensoriels uniques. Cette exposition va au-delà d’une simple contemplation artistique. Avec sa vision éclairée, Sandra Barré a su tracer un pont entre l’histoire de l’art total débutant au 20e siècle et des créations contemporaines.


Côté Jardins


Côté Jardins, ceux du musée international de la Parfumerie à Mouans-Sartoux sont devenus incontournables depuis leur ouverture en 2010 et marient art contemporain et art paysager. Chaque année, un artiste contemporain est invité à exposer ses œuvres en période estivale. Pour la saison 2024, c’est l’œuvre de Dominique Thévenin qui est mise à l’honneur. Sculpteur du mouvement, cet artiste grassois, décédé l’an passé, a consacré sa vie à explorer les frontières de l’équilibre et du déséquilibre à travers des créations empreintes de poésie et de méditation. Dans un métal rugueux et brut, parfois agrémenté d’éléments organiques, il a donné vie à des œuvres dont la simplicité apparente cache une profondeur insoupçonnée. Bel hommage, qui est l’occasion d’entrer dans son univers fascinant.


Sébastien Thévenin s’en fait l’écho: « Cette exposition unique met en lumière trois des œuvres les plus représentatives du travail de Dominique Thévenin sur le mouvement. Depuis les premiers travaux dans l’atelier familial jusqu’aux œuvres monumentales, l’équilibre est toujours au centre de la recherche artistique. Le parcours volontairement non-linéaire, présenté en trois axes (vertical, horizontal et oblique), invite le visiteur à revisiter et à bousculer sa propre perception dans un univers en perpétuel mouvement, du plus intime au plus ample. L’insoutenable légèreté du métal déstabilise. Un simple souffle permet aux masses lourdes et imposantes de prendre - ou reprendre - vie. Des équilibres fragiles, parfois impossibles, qui offrent une réflexion sur nos vies quotidiennes, en proposant une approche plus curieuse, défiant la gravité de notre environnement. »


Pour Olivier Quiquempois, directeur des musées de Grasse, Dominique Thévenin a su créer une réelle mécanique des formes qui enchante et surprend. « Ses créations confrontant des objets bruts, métal rouillé, bois à peine équarri, à une poésie du mouvement, reposent sur un mystérieux mécanisme associé pleinement aux créations de ses sculptures monumentales. Ces poutres, ces poteaux, ces tubes métalliques sont soumis à des mouvements aléatoires qui dépendent d’évènements imprévisibles, une brise, un passant qui vient soudain provoquer un déplacement, un son qui se répète et s’atténue pour reprendre une immobilité, un silence fragile selon un rythme qui paraît répondre à une équation mathématique complexe. »


L'antagonisme dans tous ses états


Dominique Thévenin grandit dans une famille d’artistes, ses parents étant eux-mêmes sculpteurs, installés dans un atelier à Cannes-la-Bocca. Il collabore avec eux pendant plusieurs années. En parallèle, il se forme aussi à la Villa Arson, école nationale supérieure d’art de Nice, entre 1974 et 1979. Il développe ainsi une production personnelle et s’installe dans son premier atelier en 1988. Il investit successivement plusieurs ateliers dans la région pour finalement s’installer à Grasse en 1997. Il participe à de nombreuses expositions, sur la Côte d’Azur, en France mais également en Italie, en Espagne, en Belgique ou en Allemagne. Ses sculptures sont composées pour la plupart de matériaux de récupération qui sont sublimés en œuvres d’art. C’est à partir des années 1990 qu’il oriente son travail autour de la recherche du mouvement et des sculptures en équilibre. En cela, il s’inscrit dans un courant majeur de la sculpture contemporaine qui existe depuis le début du 20e siècle et qui consiste à donner du mouvement à des œuvres par définition immobiles. Au-delà des simples effets de style et de matières, il s’agit d’animer les sculptures. Calder fait partie des premiers représentants de ce courant artistique en inventant les mobiles qui dansent dans l’espace. Tinguely le suit avec ses sculptures animées par des moteurs. Thévenin est de la même veine, de manière encore plus subtile. En 2008, Dominique Thévenin réalise une sculpture, Apode tronconique n°1, pour le parcours d’art contemporain du musée international de la Parfumerie. Cette pièce en équilibre est installée dans le jardin des Orangers attenant au musée, et rappelle les cheminées des usines de parfumerie dans le paysage grassois du 19e siècle. En 2010, Thévenin investit le Lavoir de Mougins avec une installation baptisée « Palabres des hoche-queues ». Deux tubes en zinc mobiles sont placés dans le prolongement l’un de l’autre, au-dessus du lavoir. Chacune se meut comme un balancier sans que jamais leurs mouvements ne s’accordent. Dominique Thévenin est décédé à Grasse, le 17 avril 2023. Son œuvre est fondée sur le contraste entre des univers a priori antagonistes : pesanteur/légèreté, solidité/fragilité, immobilité/mobilité, subtilité du mouvement/état brut du matériau, matériau industriel/environnement naturel.




[DES]ÉQUILIBRES – Hommage à Dominique Thévenin

du 27 avril au 3 novembre 2024, aux Jardins du MIP, Mouans Sartoux


Mondes Sensibles, une histoire sensorielle de l’œuvre d’art totale

du 14 juin 2024 au 12 janvier 2025 au Musée international de la Parfumerie, Grasse


Parution magazine N°45 (juin, juillet, août)

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