Med'Innov,
ce pôle universitaire corso-azuréen

Par Emmanuel Maumon, 6 juin 2024 à 16:19

La Relève

Lauréat de l’appel à proposition « Pôle universitaire d’Innovation », Med’Innov rassemble douze acteurs majeurs de l’innovation corso-azuréens. Porté par l’université Côte d’Azur et l’université de Corse Pasquale Paoli, ce projet a reçu une enveloppe de 7,5 millions d’euros pour booster l’innovation sur les territoires corse et azuréen. Rencontre avec Xavier Fernandez, vice-président Innovation et Valorisation de la Recherche de l’université Côte d’Azur pour nous présenter ce PUI et sa stratégie. Il nous parle également des synergies naturelles entre Med’Innov et Sophia Antipolis.

Xavier Fernandez, avant de parler plus spécifiquement de Med’Innov, peut-on rappeler ce qu’est un pôle universitaire d’innovation et pourquoi ont-ils été mis en place ?


Un pôle universitaire d’innovation - PUI - est un gros projet structurant lancé par l’État pour accélérer les actions d’innovation dans le cadre de la recherche académique. L’objectif était d’identifier les écosystèmes ayant acquis une légitimité dans ce domaine, de les reconnaître à travers une sorte de label, mais surtout de voir comment accentuer les activités réalisées ces dernières années. Ceci pour aller un peu plus loin sur les transferts de technologie et les relations avec nos partenaires industriels. Ces pôles universitaires ont aussi pour objectif de développer la création de startups avec ce fameux objectif des 500 startups Deeptech par an prévu à horizon 2030.


Comment ces pôles universitaires d’innovation permettent-ils de renforcer le lien entre recherche académique et monde socio-économique pour développer des solutions aptes à relever les défis de notre temps ?


La première phase de l’appel à projets PUI consistait à demander aux membres fondateurs de faire une analyse objective de leurs performances en termes d’innovation. Sur le paysage azuréen, l’obtention de notre IDEX a permis de lancer très rapidement un certain nombre de dispositifs pour promouvoir l’innovation. L’analyse de ce bilan nous a conduits à proposer une accélération dans certains cas, mais aussi de corriger certaines imperfections. Nous avons en effet pu identifier que parfois nous manquions de financement pour amorcer certains travaux ou de ressources humaines pour accentuer les partenariats. Ce pôle universitaire d’innovation nous permet de corriger le tir et d’aller encore plus vite.


Cette démarche lancée dans le cadre du plan France 2030 a abouti à la désignation de 24 lauréats dont Med’Innov porté par l’université Côte d’Azur et l’Università di Corsica Pasquale Paoli. Pouvez-vous nous présenter ce nouveau pôle universitaire qui rassemble 12 acteurs majeurs de l’innovation ?


Med’Innov est effectivement le rapprochement de l’université de Corse et de l’université Côte d’Azur. Nous avons élargi le périmètre en raison des liens institutionnels qui lient nos deux établissements et parce que nous avons l’habitude d’échanger sur les questions d’innovation. Ce pôle par ailleurs regroupe également tous les organismes de recherche présents sur le territoire tels que le CNRS, l’INRIA, l’INSERM ou l’INRAE. On retrouve aussi notre société d’Accélération du Transfert de Technologie (SATT Sud-Est), ainsi que les deux incubateurs de la recherche publique : l’incubateur Provence Côte d’Azur pour le territoire azuréen et l’incubateur Inizià pour la Corse.


Les objectifs de Med’Innov


Med’Innov a été officiellement lancé à Nice le 20 décembre 2023, quels sont ses objectifs ?


La stratégie de Med’Innov se décline en six axes principaux. Le premier est celui de l’acculturation de l’innovation afin que les enseignants-chercheurs, mais aussi les étudiants, s’approprient cette nouvelle culture. Nous voulons également renforcer le rayonnement de l’innovation car nous avons des technologies et des savoir-faire qui ne sont pas suffisamment exploités. Un autre pilier de notre politique d’innovation est lié à la détection des innovations dans les labos afin d’être en mesure de les protéger le plus tôt possible. Par ailleurs, nous souhaitons développer la recherche partenariale et accentuer les liens avec les entreprises. Nous voulons aussi développer nos plateaux techniques et nos Fab Labs, ainsi enfin que la création de startups issues de la recherche. Après, pour mettre en œuvre cette stratégie, nous avons des actions précises qui viennent soutenir un ou plusieurs de ces piliers.


Justement, quelles sont les premières actions que vous avez lancées ?


Les premières concernent l’équipe. En effet, l’autodiagnostic réalisé lors de l’élaboration du projet a mis en évidence que beaucoup d’actions n’avaient pu être accentuées faute de ressources humaines. Avec le financement obtenu (7,5 millions d’euros sur quatre ans), nous allons pouvoir recruter des collaborateurs pour aller encore plus vite. D’autre part, nous avons engagé des actions de communication pour présenter Med’Innov à tous nos établissements et à notre cinquantaine de partenaires tels que les collectivités et les pôles de compétitivité. A cet égard, le kick-off de décembre à Nice nous a permis de rassembler toutes ces communautés afin qu’elles s’approprient ce PUI.


Med’Innov, un chef d’orchestre de l’innovation


En matière d’innovation, d’autres dispositifs existent déjà. Comment Med’Innov se positionne-t-il vis-à-vis d’eux et comment entend-il jouer un rôle de chef d’orchestre ?


C’est précisément la demande de l’appel à projets PUI car c’est vrai qu’il existe beaucoup de structures de soutien à l’innovation. Une des missions de Med’Innov consiste à structurer tous ces acteurs sur le territoire. Nous avons ainsi créé une commission dématérialisée qui réunit tous les quinze jours tous les opérationnels de l’innovation. Aujourd’hui, l’objectif de Med’Innov est de coordonner le soutien à l’innovation et d’identifier le meilleur guichet au meilleur moment. Ceci pour trouver le meilleur financeur et accompagnateur. Nous avons dans notre domaine des thématiques totalement différentes. Ainsi, le temps du numérique n’est pas le temps de la santé qui est extrêmement long.


Les synergies entre Med’Innov et Sophia Antipolis


La technopole de Sophia Antipolis est déjà une terre d’innovation. Quelles synergies sont envisagées avec Med’Innov ?


Les synergies sont naturelles, spontanées et logiques. La marque de fabrique des pôles universitaires d’innovation, c’est l’importance des collectivités locales. La présence de Sophia Antipolis sur le territoire de Med’Innov, je ne vais pas vous dire que ce n’est pas un atout. Forcément, ces mots clés ont été placés dès les premières minutes de la soutenance et de la présentation du projet. Les particularités, les thématiques liées au territoire de la technopole sont importantes et les liens avec le développement économique et l’agence d’attractivité sont fréquents. Il y a des sujets sur lesquels nous ne pouvons pas ne pas travailler ensemble. Ainsi, l’accélération du développement de startups Deep Tech ne pourra avoir lieu si nous n’avons pas des solutions d’accueil et de locaux apportées par les collectivités.


Est-il possible de faire un zoom sur un ou deux domaines qui vont être particulièrement boostés grâce à Med’Innov ?


Si on fait le lien avec Sophia Antipolis, parler du numérique et de la santé s’impose. Le numérique avec le 3IA et, ce que j’espère très prochainement, l’IA Cluster qui positionnerait la technopole comme l’un des leaders mondiaux de l’intelligence artificielle. Dans ce domaine, il y a beaucoup de choses à faire car aujourd’hui l’IA est au cœur de tout. De plus, quand on parle de création de startup, l’IA fait partie des secteurs où l’on transfère rapidement avec de très beaux succès. Par ailleurs sur Sophia, en particulier avec l’IPMC, nous avons un très bon labo dans le domaine biotech sciences du vivant. La santé constitue d’ailleurs sans doute l’un des secteurs qui vont fortement se développer dans les prochaines années.


Quels dispositifs sont prévus pour évaluer les actions de Med’Innov ?


Les pôles universitaires d’innovation étant des objets très agiles qui ne sont pas gravés dans le marbre, nous avons prévu chaque année deux grandes réunions avec tous les acteurs et partenaires. Nous leur présenterons nos actions et nos résultats, avec de très nombreux indicateurs répondant à des objectifs précis à atteindre en quatre ans. A l’issue de cette période, nous n’avons pas de promesses de l’État sur la poursuite du dispositif. Néanmoins, dans mes périodes optimistes, je rêve qu’il ait conçu ces pôles comme une période d’essai pour démontrer ce dont les universités sont capables en termes d’innovation. Dès lors, si nous montrons notre capacité à faire le job, il pourrait bien les pérenniser. De quoi combler un vide car l’innovation est la seule mission de l’Université qui n’a pas aujourd’hui de financement récurrent.

Parution magazine N°45 (juin, juillet, août)

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