Objectif Lune !
Pari réussi pour Gildo Pastor
Planète bleue

Venturi battery manufacturing © Venturi / Fitte
Descendant d’une lignée de bâtisseurs, Gildo Pastor est un visionnaire. Il a fait partie des pionniers de la mobilité électrique et en 2025, son rover électrique, FLIP, va rouler sur la Lune… Rencontre avec un homme qui fait bouger les lignes.
Qu'est-ce qui vous a amené dans l'espace ?
C’est mon grand-père qui m'a initié à l'exploration spatiale. L’innovation a par la suite toujours été au cœur de mon parcours. J’ai toujours eu cette volonté d’aller plus loin, d’explorer de nouveaux territoires, d’imaginer l’avenir avant qu’il ne devienne une réalité. Avec Venturi, depuis plus de vingt ans, nous repoussons les limites de la mobilité électrique, de la vitesse aux conditions extrêmes de l’Antarctique. L’exploration spatiale était une suite logique. L’opportunité s’est présentée lorsque nous avons été sollicités par Venturi Astrolab pour apporter notre expertise sur des technologies critiques. C’est ainsi que nous avons créé des roues hyper-déformables et des batteries haute performance, deux solutions capables d’affronter les radiations solaires agressives du pôle Sud et ses températures extrêmes, de -240 °C à +130 °C.
Au printemps 2023, vous annonciez un accord avec SpaceX qui propulserait Venturi et son robot d’exploration et de transport, le rover FLEX, dans l’ère de la conquête spatiale. Deux ans se sont écoulés depuis et c'est en train de se réaliser. Comment est-ce possible en si peu de temps ?
En 2027, SpaceX devra faire une démonstration d'alunissage pour le compte de la NASA dans le cadre de la mission Artemis III. Venturi Astrolab a réservé sa place à bord de la fusée Starship. Le rover FLEX fera partie du voyage et déposera au pôle Sud de la Lune les 1 500 kilos de biens confiés par nos clients. Dès fin 2025, c'est un autre rover de Venturi Astrolab, FLIP, qui va être lancé avec SpaceX et se poser sur la Lune grâce à Astrobotic. Ce petit rover sera lui aussi équipé de nos roues et de nos batteries, et cela nous permettra de les tester pour la mission Artemis de 2027.
Quel est votre point de vue sur le retour de l'Humanité sur la Lune et quels sont les principaux enjeux ?
La Lune est un lieu idéal pour mener des études scientifiques approfondies sur notre univers. L’absence d’atmosphère en fait un lieu privilégié pour l’observation astronomique ainsi que pour d’autres recherches fondamentales. L’intérêt est rehaussé par le fait que, cette fois, le retour de l’humanité sur la Lune est concentré sur une région : le pôle Sud. C’est une région jamais visitée par l’Homme, où se trouvent des réserves d’eau à l’état de glace au fond des cratères et où l’ensoleillement est quasi permanent. Sur le plan géopolitique, les premiers pays à s’y installer auront la liberté de choisir les emplacements les plus favorables pour, par exemple, stocker des ressources précieuses présentes sur place. Cela confèrera un avantage stratégique certain. La Lune va en outre servir de tremplin vers des destinations plus lointaines, comme Mars, ce qui facilitera l’exploration spatiale.
Sécuriser des sources d'énergie sur la Lune reste une question clé et indissociable de son exploitation à long terme. C’est un projet global d’installation durable. Le pôle Sud est particulièrement stratégique. Au fond des cratères, on trouve non seulement de l’eau, essentielle pour la survie humaine et la production de carburant, mais aussi une grande quantité de métaux et de terres rares. Ces éléments sont cruciaux pour les technologies avancées, notamment les batteries et l’électronique de puissance.
Exploiter ces ressources va nécessiter des infrastructures adaptées, et notamment des bases lunaires et des véhicules. Le Starship 3 de SpaceX sera capable de ramener sur Terre entre 100 et 200 tonnes de matériaux, ouvrant la voie à une véritable industrie lunaire. À plus long terme, l’un des enjeux les plus prometteurs concerne l’hélium-3, qui est une ressource abondante sur la Lune. Il pourrait alimenter les centrales thermonucléaires (fusion) de deuxième génération. Contrairement aux énergies fossiles ou aux centrales actuelles, il pourrait offrir une source d’énergie propre et quasi inépuisable. Si nous parvenons à exploiter l’hélium-3, nous pourrions résoudre durablement la question de l’énergie sur Terre tout en réduisant massivement notre impact environnemental. La sécurisation des sources d’énergie lunaires va donc bien au-delà de la simple production d’électricité sur place. Elle s’inscrit dans une vision plus large d’exploration, d’exploitation des ressources et de transition énergétique à l’échelle planétaire.
Au vu du contexte actuel de course à l'espace, l’Europe est-elle en train de rater le virage des missions habitées ?
L’Agence spatiale européenne entretient depuis longtemps d’excellentes relations avec la NASA et a largement contribué à envoyer des astronautes en orbite. De ce point de vue, on peut saluer le rôle de l’Europe. En revanche, l’ESA a toujours fait le choix d’un développement traditionnel avec Ariane, sans investir dans ses propres vols habités, préférant s’appuyer sur les vaisseaux américains pour transporter ses astronautes. C’est sans doute là que le virage a été manqué.
Quant à la présence d’Européens sur la Lune, je suis convaincu que cela arrivera bien plus vite que les plus sceptiques ne le pensent. Chez Venturi Space, nous échangeons régulièrement avec les responsables de l’ESA. Je veux contribuer activement au développement des activités spatiales européennes. J’ai la motivation et les ressources.
Après la Lune, objectif Mars ? On parle de contacts avec la NASA ?
Il est trop tôt pour vous répondre dans le détail, mais effectivement, nous faisons partie des acteurs de l’industrie spatiale qui travaillent déjà sur des programmes martiens. Mars est moins hostile que le pôle Sud de la Lune, donc les technologies que nous avons conçues pour les rovers lunaires FLIP et FLEX pourront fonctionner sur Mars.
L’espace, mais aussi l’Antarctique avec un véhicule capable de prouesses en milieu hostile… Un outil d’exploration polaire zéro émission destiné à des recherches liées à l’environnement. C’est un autre de vos combats ?
Oui. La protection de l'environnement est l’une de mes préoccupations et l'Antarctica est le premier véhicule d'exploration polaire électrique. Ce véhicule a été conçu pour permettre aux scientifiques de la station polaire Princess Elisabeth de mener leurs recherches en Antarctique sans perturber les écosystèmes. Ce véhicule s’inscrit pleinement dans la politique du prince Albert II de Monaco en faveur du développement durable.
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