Valérie Lesort et Christian Hecq
Fées de la rampe
Arts en scène
Les soeurs Hilton © DR
Sur scène, ces deux-là ont trouvé un filon d’imaginaire, palpitant. Pareils à des coups de baguette magique, leurs spectacles vous transforment en enfant captivé par des aventures inouïes, entre merveilleux et monstrueux. De retour en janvier au Théâtre National de Nice pour raconter l’incroyable histoire vraie des Sœurs Hilton, laissez-vous enchanter !
Auréolés par les succès de leurs spectacles. Plusieurs fois « moliérisés ». Dans leur escarcelle, des pépites jubilatoires que sont 20 000 lieues sous les mers, Le Voyage de Gulliver et La Mouche, qui ont toutes été à l’affiche du TNN. Derrière tout ça, une Française et un Belge, Valérie Lesort et Christian Hecq. Duo à la ville comme à la scène pour nombre de productions à leur actif, les tourtereaux forment assurément l’un des couples stars des planches hexagonales actuelles. Lui sociétaire de la Comédie-Française où il fait des étincelles à chacune de ses apparitions, notamment pour sa prestation débridée dans Un fil à la patte de Feydeau. Elle, en électron libre des plateaux. Cet hiver, ils reviennent au Théâtre National de Nice jouer leur nouvelle création, Les Sœurs Hilton, et le moins que l'on puisse dire est que c'est absolument fabuleux. L'expression est ici à prendre au pied de la lettre, dans le sens où ces deux comédiens, qui sont aussi les auteurs et les metteurs en scène de leurs spectacles, s'aventurent résolument du côté de ce qui relève de la fable et de ses corollaires. Le féerique, le parfum du mystère, la facétie et le frisson de frayeur, la bonhomie et la folie, douce ou pas... Il y a tout cela et bien plus encore dans la faconde théâtrale prisée par Lesort & Hecq. Le tandem semble cultiver une fascination pour l’étrange et la fantaisie combinés dans une réjouissante noirceur de toutes les couleurs. Des couleurs qui sont celles de tout le spectre de l’art du spectacle. Goût des artifices et du grimage pour créer l’illusion. Intermèdes musicaux. Travail corporel et gestuelle qui brouillent les pistes entre théâtre, chant, danse et cirque. Les deux artistes s’en donnent à cœur joie et ne se refusent rien pour s’adonner au plaisir d’être en scène, de faire le show. Et ils savent bien s’entourer, avec des partenaires de jeu en joyeuse connivence avec leur univers.
Entre Méliès et Tim Burton
Fort de quoi, leur théâtre plébiscite une forme de divertissement grand public. Pour autant, sous ses airs bon enfant, le binôme part en éclaireur du côté obscur de la force, explore nos gouffres aux chimères enfouies au fond de nos peurs du noir, dans des lueurs de contes et de ténèbres. Toujours à la lisière du fantastique, du poétique, du cocasse, du fantasque, c’est comme si Valérie Lesort et Christian Hecq faisaient tourner à eux deux une petite usine à rêves maison. La référence au cinéma n’est pas fortuite tant leur travail paraît briller dans un halo de lanterne magique, de lampe d’Aladin dont ils seraient les gentils et les mauvais génies. Á la vision de leurs spectacles, on se dit que leur cœur doit balancer entre Méliès et Tim Burton, qu’ils appartiennent à cette mouvance de tailleurs de songe ingénus, donnant corps à leur représentation des choses, à leur sens du fictif, avec des sortilèges vintage. Une hypothèse encore accréditée devant leur recours systématique à des trucages faits main, sans effets spéciaux numérisés ni vidéos. Juste des astuces et des machinations à l’ancienne. En somme, un artisanat de la fantasmagorie, qui en jette par son côté prestidigitateur de fête foraine… On peut aussi prêter au couple une inspiration dans les faisceaux d’un septième art aux saveurs de série B, riche en inventivité et en fulgurances, en créatures des lacs et des marais, en morts-vivants, en femme panthère et autre homme léopard. Quoi qu’il en soit, magiciens des ombres et des lumières, ces deux qui ne font qu’un le sont assurément. Tissant des motifs brodés à même l’étoffe des légendes, bonimenteurs à la barbe du réel, Valérie Lesort et Christian Hecq allument dans leur sillage des charmes aussi sorciers que farfelus et signent des spectacles touchés par la grâce ! Á l’approche de leur venue au TNN, qu’on se le dise…
2 reines de la piste
Cette fois, c’est sans filet ! Après avoir adapté de grands récits romanesques où caracole l’imagination débridée de Jules Verne ou de Jonathan Swift, la dream team franco-belge revient sur le devant de la scène en s’écrivant une pièce sur mesure à partir d’une histoire bien réelle : le triste destin des sœurs Hilton. Particularité de ces dernières, elles étaient siamoises et ont vécu, enfants, une vie de phénomènes de foire aux États-Unis. Plus tard, Daisy et Violet, nées au Royaume-Uni en 1908, ont été des sensations du grand écran, participant au film culte de Tod Browning, Freaks (La monstrueuse parade).
Étoiles des grands cirques de l’époque, elles se sont produites dans des music-halls prestigieux à Broadway, ont croisé la route de l’iconique magicien Houdini, avant de finir leur existence dans la précarité et l’oubli, en 1969. On devine là un matériau propice à chatouiller la fibre théâtrale échevelée de nos duettistes binationaux. Pour raconter cette histoire et en tirer la trame d’un biopic, Valérie Lesort (qui incarne l’une des siamoises aux côtés de Céline Milliat-Baumgartner, l’autre moitié de l’orange) a donc entièrement écrit un spectacle en forme de tragi-comédie. Autour des deux héroïnes, des personnages plus ou moins reluisants vont être emportés dans un tourbillon d’aventures picaresques. Émaillé de numéros qui sont autant de flash-back, le spectacle adopte la forme d’une représentation de cirque, toile de fond de la vie mouvementée des deux sœurs. Pour Valérie Lesort et Christian Hecq, pas question en effet de retracer le parcours « extraordinaire » de ce double dames en s’apitoyant sur le sort de celles-ci. Production à grand spectacle sous le signe du baroque et de l’extravagant, créée à Lyon en septembre dernier avant Paris et une tournée française, Les Sœurs Hilton mènent tambour battant une revue pétaradante, comme la Lola Montès du film éponyme de Max Ophuls. Fête, ode à la vie et au théâtre, célébration des saltimbanques, elles scintillent en clair-obscur. Poilantes côté pile. Plus sombres côté face. Elles s’offrent à voir comme une quintessence du travail artistique de ces deux larrons en foire, clowns et mystificateurs magnifiques, que sont Valérie Lesort et Christian Hecq.
Les Sœurs Hilton de, par et avec Valérie Lesort, Christian Hecq et toute la distribution du spectacle au Théâtre National de Nice / la Cuisine, du 22 au 24 janvier
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