Vélo électrique solaire
ou comment « lâcher prise » au quotidien
Énergivores
de gauche à droite, Xavier Lebreton, Eric Gignoux, Sébastien Rothhut © DR
De nombreux « cyclophipolitains » commutent entre maison et travail sur un vélo. Le nombre des afficionados de cet instant bien-être, facilité par le climat et la topologie, encouragé par l’extension du réseau cyclable et la démocratisation des VAE (Vélos à assistance électrique), ne cesse d’augmenter. Éric Gignoux, croyant et pratiquant du pédalier, s’inquiétait chaque matin en arrivant dans son entreprise : où et comment recharger la batterie de mon vélo et repartir sans risque ce soir ? Depuis Lamarck, « la fonction crée l’organe ». Éric, cadre expérimenté dans la hightech, a traduit la formule en « l’usage crée l’outil ».
Chargé à bloc, Éric Gignoux crée « Moving Power Lab », très vite rejoint par trois autres associés, Xavier Lebreton, Sébastien Rothhut, tous deux ingénieurs et « makers » passionnés, et Laurent Van Den Reysen, président de l’entreprise de robotique Qenvi, basée à Sophia Antipolis. MPL a pour ambition de développer et mettre sur le marché « Solar Commuter », le premier vélo solaire grand public. Au royaume de la petite reine électrifiée, la révolution solaire du « lâcher prise » est en marche, et Éric a décidé de faire la course en tête.
« Solar Commuter » : comment ça marche ?
L’idée d’un vélo électrique autonome en énergie, embarquant son propre panneau solaire pour recharger ses batteries tout en roulant, n’est pas nouvelle. Dans son business plan, Éric a recensé un certain nombre d’Objets Roulants Non Identifiés, souvent destinés aux voyages sur longues distances, mais tous restés au stade de prototype : un vélo traînant sa remorque solaire (chargée de batteries et de bagages), un vélo (classique ou couché) abrité sous un panneau à plat ou incliné procurant de l’ombre au cycliste, un vélo dont les roues pleines sont des panneaux photovoltaïques… En somme, ce concept a déjà marié l’imaginaire, l’incongru et l’exotisme de façon peu banale. Moving Power Lab a décidé d’emprunter les routes du pragmatisme, de la simplicité et du fonctionnel.
« Nous sommes en train de développer toutes les briques du futur produit : l’électronique embarquée et communicante du système, la mécanique et la sélection des panneaux solaires présentant les meilleurs compromis entre robustesse, rendement, et encombrement », explique le père de Solar Commuter, qui présente fièrement deux prototypes. Sur un vélo standard du marché, équipé d’un moteur électrique, un panneau solaire d’une surface approximative d’un quart de mètre carré fixé à plat sur le porte-bagage arrière est connecté à la batterie via une électronique idoine d’optimisation de recharge, grâce au principe MPPT, « Maximum Power Point Tracking ». Résultat, un panneau solaire de ce type installé sur un VAE permet de parcourir théoriquement jusqu’à 6 000 km par an, soit 20 km par jour en moyenne. « Pour l’instant le retour d’expérience terrain valide parfaitement notre cahier des charges. J’effectue entre 10 et 50 km par jour selon les saisons et l’ensoleillement, sans avoir besoin de recharger sur secteur », résume Éric. Il ajoute « l’équation énergétique est validée, la mobilité solaire quotidienne fonctionne. »
Moving Power Lab : une Entreprise à Mission engagée
Dans le jargon des startupers-innovateurs, la première phase dite d’idéation est excitante, enthousiasmante même. Malheureusement, elle ne suffit pas et depuis la naissance de Sophia, les Sophipolitains le savent bien. Mise au point, industrialisation, commercialisation, choix de segments cibles, investissements et levées de fonds sont autant de défis à relever.
Première pierre à l’édifice : MPL revendique le statut d’Entreprise à Mission souscrivant aux principes de l’Économie sociale et solidaire. Au-delà de l’idée technologique passionnante, la raison d’être de MPL est de développer les « Mobilités durables » grâce à des innovations technologiques et sociales encourageant la transition écologique, l’autonomie énergétique et la minimisation de l’impact environnemental de la mobilité.
Une cible commerciale double, en B2B et en B2C
MPL cible d’abord les collectivités et entreprises (B2B), qui opèrent des flottes de VAE en libre-service pour leurs collaborateurs ou pour leurs clients. En second lieu, MPL souhaite adresser les particuliers (B2C), habitants hors des centres-villes, dans les zones suburbaines, en petite résidence ou en maison individuelle, qui effectuent au quotidien des trajets à vocation domestique et pour se rendre à leur travail. « Le parc européen de VAE en circulation en 2022 représente environ 25 millions d’unités. Sa croissance estimée à 44% le portera à 54 millions en 2027. MPL évalue son marché adressable à 10 millions d’unités en 2022 et 15 millions en 2027 », souligne Éric rassurant.
L’offre se déclinera selon deux approches : un VAE Solar Commuter tout équipé, clé en main avec une forte intégration de toute la chaîne panneau-batterie-moteur, et un kit « plug & play » pour équiper des VAE classiques existants. La commercialisation, quant à elle, se fera sur internet et via un réseau partenaire de vendeurs de VAE.
Sophia : un réservoir de compétences locales
Pour la phase de R&D, la magie de la technopole opère. MPL a su tirer profit de tout l’écosystème sophipolitain, riche de sa fameuse fertilisation croisée. Elle a eu l’opportunité de former un partenariat avec Polytech Nice Sophia, école d’ingénieurs de l’Université Côte d’Azur, pour la mise au point de l’électronique embarquée, la création d’un banc de test, le développement de l’application pour smartphone. C’est un ensemble de projets qui ont été assurées en partenariat avec des étudiants ingénieurs et le corps enseignant de l’école. « Ce partenariat avec Polytech Nice Sophia a été déterminant pour le développement de MPL, grâce aux talents des élèves ingénieurs, certains résultats des projets menés ensemble sont déjà intégrés dans les nouveaux prototypes », confirme Éric.
Solar Commuter sera aussi un objet connecté, au smartphone de son propriétaire, et à d’autres Solar Commuter pour le gestionnaire de flotte. « Nous pourrons géolocaliser nos Solar Commuter et obtenir pour chacun d’eux par exemple le niveau de charge de la batterie et la performance de la recharge solaire », explique son concepteur. MPL a également travaillé avec l’école des Mines de Paris et les élèves du master Optimisation des Systèmes énergétiques pour réaliser une étude de faisabilité technico-économique.
L’entreprise de robotique Qenvi, un des premiers partenaires techniques de MPL a validé le « POC », Proof Of Concept technique. Les défis énergétiques de la robotique sont très proches de ceux de la mobilité électrique. Le président de Qenvi a d’ailleurs ensuite décidé d’investir dans MPL à titre individuel et il fait partie du nouveau tour de table. Enfin, pour le dépôt de brevet et les questions de propriétés industrielles, MPL s’appuie sur le cabinet Hautier, cabinet d’avocats sophipolitains, également local de l’étape. Le monde associatif est aussi mis à contribution. « Nous allons nous appuyer sur les Apprentis d’Auteuil pour le montage et la maintenance de la présérie ». MPL est déjà en train de changer de braquet. Éric, qui n’est pas du genre à s’emmêler les pédales, pilote les projets de toutes ces micro-équipes en mode « agile », une de ses expertises issue de sa vie d’avant.
Des appels à projet en cours et les premiers succès
MPL, toujours en partenariat avec l’Université de Nice et son école d’ingénieurs Polytech Nice Sophia, a été sélectionné parmi les projets lauréats de « l’eXtrême Défi » organisé par l’ADEME. Cette fois, il s’agira de passer de deux à quatre roues et de développer un concept de quadricycle solaire ! MPL fait aussi partie des finalistes de l’appel à projets « Agir pour le Climat » lancé par la Fondation d’Entreprise de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Provence Côte d’Azur, et a également obtenu le soutien du Parc National Régional des Préalpes d’Azur pour des projets à destination de publics variés en recherche de solutions de mobilité.
Même si la création d’une telle entreprise relève plus de l’ascension du Tourmalet que de la balade champêtre sur les bords de Loire, les fondateurs de MPL ont chaussé les cale-pieds avec aisance, revêtu le maillot à pois avec enthousiasme, et gravi les premiers lacets avec un sourire confiant. Bertrand Piccard, audacieux Icare du 21e siècle, a bouclé aux commandes de « Solar Impulse » un tour du monde en volant grâce au soleil. Éric, sur la selle de « Solar Commuter », pourrait bien métaphoriquement faire de même, mais en visant les mobilités quotidiennes. C’est tout le bonheur qu’on lui souhaite, un bonheur servi sur un (grand) plateau, en maillot jaune sur la plus belle avenue du monde, celle du rêve devenu réalité.
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